Vu au cinéma Le ciel attendra, film de Marie-Castille Mention-Schaar, avec Naomi Amarger, Mélanie Thenot, Sandrine Bonnaire, Clotilde Courau, Zinedine Soualem, Yvan Attal, Sofia Lesaffre.
L’argument : Sonia, 17 ans, a failli commettre l’irréparable pour «garantir» à sa mère une place au paradis. Mélanie, 16 ans, vit avec sa mère, aime l’école et ses copines, joue du violoncelle et veut changer le monde. Elle tombe amoureuse d’un «prince» sur internet. Elles pourraient s’appeler Anaïs, Marion, Leïla ou Clara, et comme elles croiser un jour la route de l’embrigadement… Pourraient-elles en revenir ?
Mon avis: j’avais exprimé de grosses réserves sur Les héritiers, le film précédent de la réalisatrice, et sur un sujet aussi délicat, je craignais beaucoup son nouvel opus, surtout après avoir vu qu’elle était assistée au scénario par la romancière Émilie Frèche, plus connue pour jouer sur l’émotionnel que pour livrer des analyses pertinentes.
Au final, le film est plutôt juste sur le phénomène de radicalisation d’adolescentes rendues vulnérables par leur situation familiale ou par leurs questionnements identitaires.
Le récit du parcours de deux de ces proies aurait pu être encombré par le travail documentaire visiblement fouillé et par les séquences très pédagogiques (mais sans doute nécessaires) où l’on voit Dounia Bouzar dans son propre rôle de thérapeute menant le difficile travail de déradicalisation.
Mais cette lourdeur potentielle est compensée par un dispositif fictionnel assez habile, mêlant entrecroisement des trajectoires et déconstruction de la linéarité chronologique.
On regrettera tout de même quelques éléments, sinon invraisemblables, du moins discutables:
– le personnage de Samir (interprété par le toujours excellent Zinedine Soualem), hérissé par la dérive religieuse de sa fille, qui s’emporte en la voyant s’enfermer dans la sdb et entreprend aussitôt d’en arracher la porte (les Arabes ont le sang chaud) car il la soupçonne de vouloir faire… ses ablutions.
– le prince charmant (recruteur) ayant séduit Mélanie sur Internet, qui lui révèle un peu trop rapidement ses visées de mâle arabe possessif (« Tu ne dois être qu’à moi« ), discours dont on peut douter qu’il séduise une adolescente d’éducation française, fût-elle fragilisée.
– enfin, le manque de respect du spectateur auquel on passe répétitivement le Çalil al-çawarem (l’hymne de Daech ânonné sur des images d’humiliation de populations musulmanes) sans lui en traduire les paroles ni lui en détailler le contexte, comme si l’on voulait juste mettre en avant la dangerosité intrinsèque des Musulmans capables d’embrigader le chaland simplement en lui diffusant leurs chants maléfiques…
Ces détails regrettables n’empêchent pas toutefois la réussite du film, qui touche aussi par sa peinture des parents, désemparés et culpabilisés par la dérive sectaire de leurs enfants…
Copyright Khaled Osman (octobre 2016)