Notes de bas de page: not too many

(Re)tombé sur L’oeuvre posthume de Thomas Pilaster, d’Eric Chevillard (1999, Minuit).

Pour rappel, l’argument du livre est le suivant: un vague « ami » de Pilaster décide de publier de manière posthume les travaux de ce dernier, qui pourtant, avant de mourir, avait expressément demandé que ceux-ci soient détruits.

L’ami en question fait précéder les textes d’une « Note à la présente édition », dans laquelle figure ce paragraphe :

« Nous avons jugé utile en quelques occasions d’éclairer le lecteur par des notes de bas de page: nous les avons souhaitées aussi rares que possible afin de ne pas épaissir davantage un volume suffisamment abondant. Parfois, cependant, elles nous ont paru nécessaires pour une meilleure compréhension et une plus juste appréciation des textes ».

Jusqu’ici, rien d’anormal: quel est le traducteur qui n’a jamais été amené à rédiger ce genre de remarque, tout en se donnant bonne conscience sur la base des mêmes arguments?

Là où l’affaire prend tout son sel et l’humour de Chevillard toute sa férocité, c’est que les notes qui accompagnent lesdits textes ne sont ni rares (elles sont même pléthoriques),  ni aucunement « nécessaires à la compréhension des textes » (qu’elles viennent même parfois dénigrer vertement).

Exemples choisis au hasard:

« 16 mai. Rencontré la fameuse Lise. Evidemment…* »

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* Quoi?

Ou bien:

« Six francs le brin de muguet – tendez l’oreille, vous entendrez râler les pâquerettes* »
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* Non.

Ou encore:

« Lise à longueur de journées, à longueurs de nuits, et de haut en bas: je mesure ma lâcheté.* »

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* Pilaster fut long à se déclarer, ayant sans doute de bonnes raisons de craindre un refus, d’excellentes raisons même, lesquelles pourtant Lise refusera de considérer sereinement.

De quoi être encore plus vigilant face à l’abus des notes de bas de page!

© Khaled Osman

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