Le
Livre des Illuminations
Roman de Gamal Ghitany,
présenté, traduit de l'arabe et annoté par Khaled
Osman
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Le temps,
vieil ennemi insaisissable… «Tout est en
éternelle partance.» Sur ce constat amer
s'ouvre le Livre des illuminations,
traduit au Seuil quinze ans après sa première
publication en Egypte. Une
somme inclassable, où des épisodes
autobiographiques sans complaisance servent de
support à une quête introspective, une réflexion
sur l'amour filial, la fuite du temps, et
l'oubli.
Apprenant,
de retour de voyage, le décès subit de son père, le
narrateur terrassé de douleur est amené devant le
Divan, triumvirat mystérieux qui a prise sur la
course du temps et du monde. Guidé par les esprits
supérieurs qui composent le Divan, dont l'imam
Husayn, il obtient de pouvoir naviguer
d'illuminations en illuminations, retenant le sable
du temps quelques instants pour revivre des
événements du passé. Un emprunt à la mystique
soufie, où l'extase de l'illumination est une des
ultimes étapes avant la révélation de la nature
divine et l'union avec Allah. Cet abandon de la
conscience ouvre la porte des plus grandes libertés,
estime Gamal Ghitany. «Dans l'illumination,
toutes les frontières sont abolies, le temps
disparaît, on peut le tordre, mener à soi le
passé, mélanger les époques. L’illumination est
création » Pour faire
revivre son père, fellah orphelin, homme humble et
simple, Gamal Ghitany convoque à ses côtés dans
les vertiges de l'illumination d'autres pères,
d'autres guides, d'autres figures tutélaires.
Le martyr Husayn, symbole de la souffrance, de
l'humilité, de la lutte obstinée. Et un autre géant,
le petit père des peuples arabes, Gamal
Abdel-Nasser, «qui a commis de grandes erreurs,
mais a toujours pris parti pour les pauvres et les
faibles». Il en appelle
aussi au cosmos, à l'infiniment grand, à
l'infiniment petit, interrogeant jusqu'à la
mémoire des herbes, des pierres, des terres jadis
foulées par son père. C'est une borne imposante dans
l'oeuvre de Gamal Ghitany, de loin son récit le
plus personnel, et le plus abouti (…)
Férocement ironique dans Zayni Barakat,
satire du pouvoir (Seuil, 1985), portraitiste
truculent avec La
Mystéreuse Affaire de l'impasse Zaafarani
(Actes Sud, 1996), Ghitany avait déjà laissé parler
sa tristesse et ses illusions perdues dans
Epître des destinées (Seuil, 1993). Le Livre des illuminations est plus que cela, un texte aux
confins du religieux, une déclaration d'amour
tardive à un père disparu, un livre de douleurs,
d'espoir.
Claude GUIBAL, LIBERATION, 10 février 2005
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La mélancolie Ghitany
C’est un édifice littéraire d'une ambition peu
commune, un livre-somme, un grand oeuvre
romanesque, spirituel et méditatif. Près
le 900 pages denses de récits les uns aux autres
mêlés et imbriqués, pour tenter d'embrasser tout
ensemble l'identité et la mémoire collectives d'un
pays, et le destin l'un homme - sa biographie, sa
généalogie, ses aspirations et ses doutes. «J'ai
pris la ferme résolution de partir à la
découverte de ce que nul être avant moi n'avait
découvert, de vivre ce qui jamais ne serait venu
à un esprit humain: voyager en illumination,
voyager encore et encore», explique, au
seuil du roman, son narrateur. Le voyage sera
effectivement long, et surtout, il le conduira en
des lieux et des temps inexplorés, l'amènera à
vivre des situations inédites - conforme en cela
aux paroles du sage qui répétait: «Le dormeur
voit ce que l’éveillé ne voit point.»
Indéniablement, ce «voyage en illumination», auquel
nous convie le grand écrivain égyptien Gamal
Ghitany, tient du rêve, de la
dérive onirique au cours de laquelle l'esprit
défie les distances, le cours normal du temps.
Plus encore, et très directement, ce voyage
intérieur évoque une mystérieuse initiation, un
chemin vers la connaissance,, un parcours mystique
jalonné de multiples étapes, de paliers à franchir
avant que d'ultimement accéder à une révélation qui,
pour l'heure et jusqu'à l'issue du périple, ne porte
pas de nom (...) Le Livre des illuminations
s'offre à plusieurs lectures, plusieurs niveaux de
décryptage, et ce portrait minutieux du père du
narrateur, sans cesse retouché, détaillé, augmenté,
poignant d'affection et de dignité - doublé d'une
évocation de sa mère aussi, figure très présente en
ces pages - en est l'un des axes narratifs majeurs
(...) Il n'y a pas que
virtuosité dans la forme narrative très poétique
et remarquablement maîtrisée que trouve Gamal
Ghitany pour multiplier et entremêler les
enjeux romanesques -biographique, spirituel,
historique, politique..., au fil des pages de ce Livre
des illuminations. Virtuose,
érudit, l'écrivain l'est, assurément; mais
l'intérêt, l'attachement proche de l'envoûtement
parfois que suscitent ses digressions inlassables
tiennent à autre chose: une profondeur, une
mélancolie, une implication réelle de soi, un
dévoilement, et par là l'acceptation d'une
vulnérabilité.
Nathalie CROM, LA CROIX, 24
février 2005
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A l'ombre
de la grande pyramide Mahfouz – Prix Nobel 1988 –
Gamal Ghitany est un des auteurs qui comptent le
plus dans la littérature égyptienne d'aujourd'hui.
Né en 1945 au creux des sables, dans un village du
sud du pays, il a grandi au Caire, une citadelle
dont il réinvente toutes les légendes dans ses
livres. Il en fréquenta les vieux quartiers, de
bistrots en bouquinistes, avant d'être arrêté par
la police de Nasser et condamné à deux ans de
prison, en 1966, parce qu'il militait dans un
groupuscule d'extrême gauche. C'est à cette
époque-là que Ghitany commença à tâter du roman,
tout en gagnant sa vie comme journaliste – métier
à haut risque qui lui valut d'être censuré par le
gouvernement de Sadate, quelques années plus tard.
Aujourd'hui,
il incarne toutes les espérances de la littérature
arabe, parce qu'il est toujours resté un écrivain de
la liberté, enraciné dans le patrimoine collectif. «Comme
dans Les Mille et Une Nuits, dit-il, j'essaie
de bâtir des récits aux emboîtements infinis. Le
fait d'avoir grandi au Caire, une cité riche en
arabesques, m'a également beaucoup aidé.»
Voilà pour les influences: l'auteur de Zayni
Barakat et de L'Appel du couchant
(traduits au Seuil) s'abreuve aux sources du conte
oriental en mêlant les époques et les genres,
l'Histoire et les mythes, dans le perpétuel
jaillissement d'une œuvre qui est un gigantesque
écheveau. On ne peut donc la percevoir que dans sa
globalité: chaque titre s'y intègre et s'y enchâsse
très subtilement, comme les motifs d'une coupole. Avec le pharaonique Livre des
illuminations, Ghitany signe son roman le
plus ambitieux. Il y tresse tous les fils de la
tradition culturelle égyptienne, et il y ajoute de
longues parenthèses autobiographiques. «En
1980, rappelle-t-il, j'ai appris la mort
de mon père alors que je me trouvais à l'étranger.
Ce fut le plus grand choc de ma vie.» C'est ce
père qu'il ressuscite dans Le Livre des
illuminations. Il le fait parler depuis
l'au-delà, en implorant son pardon parce qu'il se
sent coupable de ne pas avoir assez veillé sur lui:
des pages poignantes, qui ressemblent à des
retrouvailles d'outre-tombe (...) Commence alors une
longue quête spirituelle à travers la mémoire:
pêle-mêle, Ghitany évoque les grandes figures de
l'Islam, les maîtres du soufisme, les exégètes de la
parole coranique, les prophètes et les conteurs, les
chroniqueurs et les philosophes qui, depuis Ibn
Arabî, ont permis à la civilisation arabe de
rayonner sur le monde (...) Mais, dans ce
roman-fleuve qui a le débit du Nil, se bousculent
aussi tous les acteurs de l'Histoire contemporaine
(...) C'est dire la richesse
du Livre des illuminations qui, sous le
signe de Rimbaud et de Shéhérazade, est une
véritable autopsie de l'âme égyptienne. Il faut du
temps pour s'y acclimater, mais cette aventure est
une jouvence: celle d'être initié à une culture
dont on ignore souvent les secrets et les délices.
André CLAVEL, LE TEMPS (GENEVE), 12
février 2005
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Le monument inouï d'un
conteur-orchestre
Avec Le Livre des illuminations, l'Egyptien
Gamal Ghitany mêle récits, fables,
incantations, sourates et légendes dans un
livre foisonnant, d'une écriture torrentielle.
Parce que son père est mort et qu'il n'a pu
le voir une dernière fois ; parce qu'il ne croit
pas à la mort, considérée comme un changement
inéluctable dans la forme ; parce qu'il croit que
l'écriture ramène les morts à la vie, et que la
perte d'un être cher peut ouvrir les vannes d'un
monde invisible à l'œil nu et déclencher un
travail d'analyse sur soi, l'Egyptien Gamal
Ghitany a écrit Le Livre des illuminations.
Tout a commencé le jour de sa rencontre avec un
homme mystérieux, guide spirituel, maître à
penser, commandeur ou "héleur" qui lui a appris comment se ramasser
dans une gouttelette d'eau, comment voir le
bourgeonnement d'une simple anémone, le moment
de séparation d'une feuille avec son arbre,
l'instant où [le spermatozoïde féconde un
ovule]. Récits, narrations lyriques, fables,
incantations, sourates, légendes, analyses
psychologiques et philosophiques se suivent,
s'imbriquent dans le même moule.
Ghitany [qui fut] urbaniste dans son roman Pyramides
ou sociologue et conteur dans La Mystérieuse
Affaire de l'impasse Zaafarâni [se
fait] mystique dans cet
ouvrage dense de 850 pages d'une écriture
torrentielle. Parti à la recherche du
périple terrestre d'un géniteur négligé de son
vivant, Ghitany le retrouve dans les
"illuminations" auxquelles l'initie son "héleur".
Son regard revient à sa naissance dans une maison
modeste du Saïd égyptien jusqu'à sa disparition,
son passage sur Terre décrit avec la minutie d'un
arpenteur de cadastre. Progressant de jour en
jour, l'initié arrive à voir plus loin ; ses
"flashes" le ramènent à des époques révolues, à
des penseurs, des prophètes, des poètes qui ont
marqué l'imaginaire arabe.
Et puis, il y a ces retours incessants à
l'image du père, toujours associée à celle de
l'ancien président égyptien Gamal Abdel-Nasser,
que l'auteur dit n'avoir jamais rencontré de son
vivant. Le grand leader arabe avec le modeste
paysan. Il voit Nasser dans une rue du Caire. Il
est seul, sans garde ni photographe ; les passants
le frôlent sans le voir. Que d'événements se sont
succédé depuis sa disparition ! Interceptant le
narrateur, il lui demande la cause de tous les
changements, ce drapeau israélien à côté de
l'égyptien (...)
Récit riche d'un vécu qui se transforme en
écriture, devenant plus vrai que la vraie vie. Les angoisses du narrateur qui
se sent dissocié de lui-même prennent fin à la
mort de sa vieille mère. Sa fusion ou
réconciliation avec lui-même a lieu face au lit
où elle gît. La scène
est d'une précision telle qu'on pourrait
croire que Ghitany a vissé une caméra sur sa
plume. Le lecteur occidental habitué
aux deuils froids et lisses comprendra-t-il
certaines manifestations aux antipodes des
siennes ? Pleurs, invocations, supplications à
la morte de revenir rendent-ils la mort plus
supportable ? Mort acceptée avec cette
soumission propre aux croyants et aux êtres
simples. Mort commentée par cette simple phrase
si consolatrice : "Elle a accompli sa
mission." (...)
Le
Livre des illuminations s'inscrit dans la
continuité de l'œuvre passée de Ghitany : de
Pyramides
et surtout de La
Mystérieuse Affaire de l'impasse Zaafarâni
- de ses personnages hauts en couleur, où
l'entente entre les habitants d'un quartier
populaire se lézarde avant de voler en éclats sous
la pression de la pauvreté et des changements
sociaux. "Mes compatriotes et mon pays ne
laissent pas de me surprendre, écrit-il en
exergue d'un chapitre. Ils triomphent
lorsqu'ils sont défaits et perdent la bataille
lorsqu'ils sont victorieux." Pourra-t-il écrire d'autres
livres après un tel monument?
Vénus
KHOURY-GHATA, LE MONDE DES LIVRES, 24 février
2005
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On découvre enfin en France, quinze ans
après sa parution en Égypte, Le Livre des
illuminations, de Gamal Ghitany. Unique dans la littérature
arabe, il est un de ces rares livres à mériter
réellement le titre de somme, tant il condense
de richesses, nourri autant de mystique que de
poésie ou d'émotion. Écrit en hommage au
père, c'est un roman où tout est en partance, en
mouvement permanent, qui peut être lu et relu, à
partir de n'importe quel point. Malgré l'impressionnant arsenal
de références philosophiques, - religieuses,
historiques ou littéraires, Le Livre des
illuminations est un vrai bonheur de
lecture.
Le narrateur ("cet autre moi", dit
Gamal), bénéficiant miraculeusement de l'attention
des dieux, est doté de pouvoirs surnaturels qui
lui permettent - accompagné de guides spirituels -
de vivre diverses expériences directement liées à
sa vie ou d'ordre visionnaire [Publié en "chapeau"
d'un grand entretien avec Ghitany].
Pascal JOURDANA,
L'HUMANITE, 24 février 2005
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Tout à la fois roman,
essai, fable et conte, l'ouvrage de
l'écrivain égyptien est
nourri de poésie et d'émotion
Son père meurt en
Égypte, alors qu'il est en voyage. D'où un
sentiment de culpabilité duquel Gamal Ghitany
tire des pages qu'il coiffe d'un titre mystique
: Le Livre des illuminations. Et, du
coup, l'écrivain égyptien
a rédigé ce qu'il y a de plus lumineux dans la
littérature arabe, en même temps qu'il reste
accessible aux lecteurs occidentaux : la
beauté parle à tout le monde.
Il faut
comprendre le titre de l'ouvrage dans tous les
sens du terme. Au sens
théologique, d'abord : l'illumination est une
lumière extraordinaire que Dieu répand dans
l'âme d'un homme ; au sens courant, ensuite :
c'est une inspiration subite, un trait de
génie, nous indique le Robert. Ghitany répond aux deux
définitions avec un égal bonheur, dans son
ouvrage qui n'est ni un roman, ni un essai, ni
une fable, ni un conte, mais tout cela à la
fois. L'auteur nous donne à voir sa
vie à travers une série d'illuminations et de
pensées qu'il classe en trois livres («Les
voyages», «Les stations», «Les états»).
L'ouvrage est donc né de cette culpabilité
liée au fait que le père de l'écrivain est mort
durant son absence. C'est, sans doute, pour cela
que la confession commence avec cette
«illumination écrasante» : «Si je connaissais
à la séparation une patrie, j'aspirerais à m'y
rendre et, arrivé là-bas, je m'en séparerais...»
(...)
[Ghitany] s'autorise d'autres écarts, dès
lors que les frontières du temps sont complètement
bannies ; et oubliée la censure. On aura pour
preuve cette scène qui serait osée si elle n'était
pas, au fond, empreinte d'innocence, où il décrit
son père et sa mère en train de faire l'amour, cet
amour dont il va naître. Gamal
Ghitany se comporte tel un muezzin ayant pour
seule religion la littérature et la poésie.
D'ailleurs, n'a-t-il pas mis en exergue ce qu'il
y a de plus beau dans le Coran : son aspect
[cosmogonique] et sa verve littéraire ? (...)
Ici, l'on
retrouve aussi bien l'esprit des Confessions de
Rousseau – introspection, sincérité, envolées
lyriques – que la féerie des Mille et Une Nuits, une écriture moderne se
combinant à une inspiration à l'ancienne. On
s'autorise juste un extrait : «Vos espérances,
pour peu qu'elles se réalisent, vous laisseront
comblé, / A défaut, vous aurez vécu en leur
compagnie un temps de félicité.» Le Livre des
illuminations est une transe parfaitement
maîtrisée(...)
Enfin, il
convient de rendre hommage à l'immense travail de
traduction et aux commentaires éclairants dus à
Khaled Osman, qui parle avec raison, dans sa
préface, d'autobiographie poignante et de conte
polyphonique. Coïncidence : en arabe, destin et
livre sont désignés par le même mot. Cela se
comprend en pareil cas. Merveilleusement...
Mohammed AÏSSAOUI, LE
FIGARO LITTERAIRE, 10 mars 2005
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Tout sur le Caire
C’est le Coran profane d’un
fils de fellah, dont la vie fut placée sous le
signe de la mort (...): «J’ai vu
l’explosion des bâtiments, des véhicules, j’ai
vu la douleur au moment où elle naît sur le
visage des blessés, j’ai ressenti la panique
au passage d’avions de chasse et de
bombardiers volant à si faible altitude que je
pouvais distinguer la couleur des casques de
leurs pilotes.»
Ghitany, c’est une enfance et des guerres, un
village qu’il revoit, avec ses habitations pauvres
accrochées à la colline comme pour se prémunir des
crues de l’imprévisible Nil, des palmeraies
luxuriantes, des sentiers poussiéreux (...).
Hommage au père pauvre, mort en 1980, qui permit à
son fils d’aller à Hugo quand les autres se
rendaient à la mosquée, et sur le front duquel
Ghitany pose aujourd’hui ce livre comme un dernier
baiser (...) Dans Le Livre des illuminations,
le narrateur-Ghitany raconte comment il reçoit, au
lendemain de la mort de son père, une mystérieuse
convocation devant un tribunal divin, le «Divan»,
sorte de «poste de contrôle avancé à partir duquel
est supervisé notre monde terrestre». Il se voit
alors autorisé à voyager à travers les siècles au
moyen d’illuminations successives. Les époques se
mêlent, toutes les vies du Nil dont les eaux
semblent l’horloge que les dieux offrirent aux
hommes pour dire l’éternel passage du temps. «Le
monde, écrit Ghitany, est en éternelle partance
du monde.» Traité de
sagesse présocratique, livre de sagesse et de
soufisme, récit initiatique, violent pamphlet
anti-Sadate, faire-part de deuil et guide de
voyage, livre d’amour au temps du peu d’amour, Le
Livre des illuminations est un roman-monde
qui revient sur les traces du récit fondateur, Le
Livre des morts (...) Homme de savoir,
Ghitany est aussi un activiste engagé dans les
combats d’aujourd’hui. «Avant 1967, on m’a
jeté en prison. Parce que j’avais soutenu le
point de vue des pauvres. Nasser se réclamait
d’un socialisme qui n’était pas le mien. Moi,
c’était celui de Mao. Sartre m’a sorti de
prison. Il ne me connaissait pas, mais il était
invité au Caire, et on lui a parlé de moi. Il a
demandé ma libération.» Journaliste le
matin, écrivain l’après-midi, Gamal Ghitany est
aujourd’hui un notable de la culture qui n’a rien
renié de ses origines. Il travaille quatre heures
par jour, au milieu de ses livres (...) En bas, la
ville bruyante. Le Caire, en éternelle partance du
Caire.
Didier JACOB,
LE NOUVEL OBSERVATEUR, 24 mars 2005
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Le livre de la Révélation
(...) Avec Le Livre des Illuminations,
écrit entre 1980 et 1986, l’auteur
laisse place à un écrivain d’envergure qui,
emporté dans une longue introspection,
conduira le lecteur sur les chemins tortueux
de l’enfance, de l’adolescence et de l’âge
d’homme du narrateur(...)
Fortement adossé à l’histoire
contemporaine égyptienne, ce roman puise
également ses sources dans la tradition
arabo-musulmane dont l’auteur est fin
connaisseur. Ghitany apparaît ici comme un homme
plus religieux qu’on ne l’imaginait, respectueux
des textes, familiers des sourates et faisant
preuve de sa parfaite connaissance du Coran.
(...) Il en résulte un
ouvrage original et marquant, plus
proche de l’autobiographie que du roman(...)
Ce livre a été terminé voici
près de vingt ans. Sa
construction originale, la qualité de son
écriture et les innombrables subterfuges
tiennent le lecteur en haleine jusqu’aux
dernières pages. Gamal Ghitany, ancien
dessinateur de tapis dans le souk du Khan
el-Khalili, vient de peindre la plus belle des
fresques. S’il fallait oser une comparaison, on
évoquerait le Simorgh, ultime ouvrage de
Mohammed Dib pour sa construction vagabonde.
Mais Le Livre des [illuminations]
ne confirme pas seulement les talents de conteur
de son auteur, il le
hisse parmi les plus grands écrivains de
langue arabe, aux côtés de Naguib
Mahfouz, prix Nobel de littérature 1988.
Geneviève
FIDANI, CHRONIQUES LIVRES RFI, 24 mars 2005
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Il y a un
personnage nommé Zidane dans le nouveau roman de
Gamal Ghitany Le Livre des Illuminations
mais (...)il s’agit d’un saint homme portant une
gallâbieh, dans sa main une ombrelle et un
chapelet de bois de santal parfumé. Cheikh Zidane
fait partie de la foisonnante galerie de portraits
que nous offre Ghitany dans ce livre impossible à refermer tant
les flots de visions, d’illuminations, de rêves
fulgurants nous tiennent en haleine.
Gamal Ghitany mêle son autobiographie dans ce roman
à une entreprise littéraire
magistrale. Et pourtant, au départ, on
hésite. Encore un roman sur la mort du père et sur
le retour d’exil ? Thèmes déjà archiprésents dans la
littérature et aussi dans le cinéma ! Mais, comme
dit Borgès, l’art n’est qu’un éternel
recommencement. Tout a déjà été dit sur tous les
sujets. La vie n’exclut pas qu’on puisse réinventer
encore sur les mêmes sujets. Et c’est ce que fait
Ghitany fort brillamment(...) [Comme] une insistante
douleur, plus forte que le chagrin, s’empare de lui
[à la mort de son père], il se met à écrire. Par
fragments : rêves, poèmes, citations coraniques,
fables, illuminations, il entreprend une longue
histoire, celle de l’Egypte, celle de son père dont il dessine un
portrait majestueux.
S’agissant de l’Egypte d’hier et d’aujourd’hui, on
est profondément touché quand soudain au détour d’un
chapitre la figure légendaire de Gamal Abdel Nasser
(...) [réapparaît] comme le héros de la Révolution
de 1952 qui a été marquée par de grandes espérances
sociales. Sous Nasser, il y a eu certes un manque
flagrant de liberté d’expression, [mais] le
narrateur évoque aussi le courage solitaire du Raïs
face à la coalition occidentale et Israël, [donnant
lieu à l']un des plus beaux
passages du livre(...)
Azzedine MABROUKI, EL WATAN, 17 mai 2005
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Livre d’un
douloureux exil vécu par rapport à soi-même et aux
autres, livre de la nostalgie suscitée par un
présent toujours en fuite et un passé voué à la
disparition, la somme proposée – par le disciple
de Mahfouz, correspondant de guerre et prisonnier
des geôles nassériennes – est surtout livre de la
mémoire et de l’évocation. Bouleversé de n’avoir
pu assister aux derniers instants de son père,
Gamal Ghitany se voit accorder la possibilité de
ressaisir un passé révolu et de mener la quête de
ses origines indépendamment de toute barrière
spatiale ou temporelle.
D’illumination
en illumination et d’épreuve en épreuve, le «
travail de deuil » se vit comme la traversée
initiatique d’un monde de correspondances en
perpétuel mouvement, où communiquent tous les lieux,
toutes les époques, tous les visages, toutes les
voix et tous les points de vue. Contre toute attente, cette
infinie dispersion du propos participe d’un
puissant travail de synthèse ; à la figure du
père défunt se superpose celle de « tous les
justes partis avant l’heure » ; à l’histoire
de l’Egypte et de l’Islam se rapportent la
noblesse et l’humilité d’un seul destin ; la
dispersion de tous les instants est réduite à la
simultanéité d’un seul ; enfin, l’auteur est
réconcilié avec lui-même : « Gamal était moi,
et moi j’étais lui, il n’était plus d’un côté et
moi de l’autre. » Aussi l’état de
déréliction lié au spectacle d’un « monde […]
en éternelle partance du monde » se
trouve-t-il dépassé par une
sagesse paradoxale, informée par la conception
orientale du temps et par les fondements du
soufisme.
Comme
l’écrit Ghitany au seuil et au terme de son
parcours : « La fin découle du commencement,
mais elle lui est aussi consubstantielle, car
sans fin il n’y aurait point de commencement.
[…] C’est ainsi que le point rejoint le point,
que le cercle se referme, que l’existence
calque sa configuration sur la forme sphérique
du monde – alors sachez en tirer la leçon. »
Laurent SUSINI, CAIRN, 402/6,
juin 2005
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Le
pavillon francophone de la Foire du livre du Caire
a choisi d’inaugurer sa série de colloques par le
lancement de la toute nouvelle traduction de
l’écrivain égyptien Gamal Ghitany, Kitâb
Al-Tajalliyât (Le Livre des
illuminations). Cette parution, prévue pour
février 2005 aux éditions du Seuil et traduite en
français par Khaled Osman, a fait l'objet d'un
débat en présence de l’auteur du roman, Gamal
Ghitany, et de Vincent Bardet, directeur de la
collection Points Sagesse aux éditions du Seuil.
Dans sa
présentation du Livre des Illuminations, le
traducteur Khaled Osman confie : « Ce livre a
été reconnu comme une tentative réussie de créer
une forme romanesque spécifiquement arabe. Nul
doute qu’il mérite, de par la force de son sujet
et son innovation formelle, de prendre place parmi
les grandes œuvres de la littérature universelle
». C’est justement ce
qui fait la magie de l’écriture de Ghitany qui inscrit la littérature arabe
contemporaine dans la réalité quotidienne en
faisant appel aux formes littéraires classiques.
C’est une œuvre
providentielle, une sorte d’illumination
qui s’est révélée à l’écrivain à la suite du décès
de son père. « J’ai été bouleversé non seulement
par la mort soudaine de mon père, mais aussi par
la fin d’une époque en Egypte. Elle se basait sur
la valeur et l’importance du savoir de l’être
humain. L’époque de l’ouverture économique (qui a
commencé vers 1975 sous Sadate) a ensuite changé
tout cela, valorisant l’être humain [à la mesure
de l'argent qu'il possède et non plus de ses
connaissances acquises]. C’est pour ces raisons
que j’ai écrit ce roman », déclare Ghitany. Il
poursuit en avouant : « Mon expérience dans le
soufisme m’a sauvé du suicide durant cette période
». Dans l’œuvre, l’auteur-narrateur reçoit
l’autorisation de voyager, de balayer les lieux et
les époques, il transmet ainsi des révélations qui
relèvent du monde mystique. Les personnages très
anciens en croisent d’autres plus contemporains.
L'imâm al-Husayn, le petit-fils du prophète
Muhammad, et le leader égyptien Gamal Abdel-Nasser
sont donc bien évidemment présents. L’écrivain réinvente l’Histoire et
crée des parcours qui s’entrecoupent entre sa vie
et celle de son père, souvent avec beaucoup de
mysticisme...
Rania HASSANEIN, Al-AHRAM HEBDO, 2 février
2005
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