Pyramides

Roman de Gamal Ghitany traduit de l'arabe par Khaled Osman

 

Dans les années cinquante, Gamal Ghitany, enfant du Caire, voyait de sa maison les pyramides au soleil couchant(...) Ce livre construit comme une pyramide, récit après récit, de plus en plus courts à mesure qu'on avance, établit une sorte de continuité entre une perception moderne et l'Egypte ancienne. On se laisse emporter par chaque histoire, chaque "station" comme les personnages, eux, se laissent prendre à la magie des pyramides, les textes les plus mystiques conduisant à l'anéantissement dans l'unicité divine.

 

Martine Silber, Le Monde, janvier 2001

La pyramide permet à Tuhâmi de voir et de comprendre le monde, et puisqu'elle change d'apparence selon l'angle par lequel on la contemple, c'est qu'elle renferme la clé de l'univers. "Proche dans son éloignement, lointaine dans sa proximité", elle écrase mais aussi illumine.

Gamal Ghitany raconte également l'histoire de ce couple à ce point épris que, parvenu au sommet de la pyramide, il se volatilisa.

 

Olivier Barrot , Un livre, un jour, France 3, novembre 2000

La dernière page est blanche. Sur l'avant-dernière, le quatorzième texte compte trois mots, mais le premier court sur vingt et une pages... La composition même du dernier livre de Gamal Ghitany avoue sa fascination pour les pyramides. Un cheikh passe ses journées à contempler les édifices de Guizeh, un géomètre du calife al-Ma'mun se heurte à l'énigme de leurs proportions, un garçon escalade, obnubilé par le sommet, ce "point donné où commençait le vide, où la contingence cédait le pas à l'éternité".

 

Pierre Sorgue, Télérama, décembre 2000

A celui qui s'obstine se dévoileront les merveilles

 

Au fil des quatorze textes qui composent l'ouvrage, des gens de tous bords sont pris par le magnétisme des Pyramides. Parmi les voyageurs curieux de l'Egypte, les habitants de Nazlet Al-Semman, les bandes de jeunes qui risquent l'aventure et arpentent le dédale intérieur de la construction, des figures se détachent et capturent l'attention du narrateur, témoin oculaire d'autant d'expériences occultes qu'il y a de textes dans ce livre mosaïque. Notre attention est captée avec autant de force.

L'expérience de la lecture de Pyramides de Ghitany laisse une impression d'envoûtement. On est tenté de le relire pour mieux déchiffrer le sens encodé derrière chaque phrase. Les degrés de sens, derrière l'impeccable beauté formelle, sont aussi illimités que le nombre de pierres de la pyramide. A chaque étage, un niveau de connaissance différent, supérieur, est révélé. Une facette du mystère est élucidée. « A celui qui s'obstine se dévoileront les merveilles », écrit-il.

« Avec le temps vient la connaissance ultime ; à condition de persévérer », lit-on. Avec le temps aussi la terre est menée vers le couchant. « Pourquoi associait-on toujours les Pyramides au couchant, n'y avait-il aucun témoignage, aucun texte ancien rapportant l'existence de pyramides édifiées du côté du levant ? ». Le couchant est l'instant qui résume en son essence l'idée principale de Ghitany, la quintessence de tout son livre. C'est le symbole d'un nouveau commencement qui s'annonce. D'une traversée à venir. En Egypte Ancienne, c'est bien connu, mourir était voyager (...)

Au commencement (...) se trouve l'histoire d'une rencontre. Un jeune homme avide de lectures se lie d'amitié avec un vieil homme venu d'Oued-Zem au Maroc en quête du secret de la pyramide. Ayant habité à sa venue Nazlet Al-Semman, le sage migrant s'est établi ensuite dans le quartier millénaire d'Al-Azhar. "Du haut des minarets, il pouvait jouir d'une vue sur les Pyramides qui lui permettait de mieux apercevoir les inscriptions anciennes."

C'est que le cheikh Tuhâmi connaît l'art de porter le regard ; au jeune homme, il livre les secrets qu'il a cachés à autrui : sa passion pour l'astronomie, les raisons qui l'avaient poussé à s'inscrire à Al-Azhar, sa recherche d'une réponse à un questionnement sur les Pyramides, son attente d'un visiteur qui viendrait [lui vendre] un manuscrit où se trouverait consigné le secret de la pyramide. Le jeune homme perd soudainement de vue le cheikh Tuhâmi, ne sachant ce qu'il en sera de l'aboutissement de sa quête : « Après s'être avisé de sa disparition, il n'a pas cherché à retrouver sa trace. Pourtant, en découvrant l'esplanade déserte, il a éprouvé comme un douloureux pincement au cœur. Il ne cesse depuis de s'interroger : à quelle étape l'homme était-il parvenu lorsqu'il l'a rencontré ? Où en était-il de la quête qu'il poursuivait pour élucider le mystère des pyramides ? ».

Ici, c'est l'héritage pharaonique qui s'est uni au patrimoine arabo-musulman afin de mettre en relief deux substrats consubstantiels de la mémoire collective. Le résultat n'est pas une mésalliance, c'est un mariage des plus heureux, qui donne à voir l'édifice pharaonique à travers le prisme de la sensibilité musulmane. Le sable du désert trace par sa fuite blonde un trait d'union entre deux temps qui se réconcilient l'espace d'une fiction. Khaled Osman a su recréer avec fidélité le texte arabe. Il restitue l'opposition des pleins et des vides comme celle des pleins et des déliés. Il poursuit son chemin de traducteur avec une énergie égale et renouvelée. Quant aux pierres majestueuses qui ont inspiré ces textes des pyramides, elles vont régner pour l'éternité.

 

Suzanne Al-Lakkani, AL-AHRAM HEBDO, février 2001