Vu au cinéma Les herbes sèches de Nuri Bilge Ceylan, avec Deniz Celiloğlu (Samet), Merve Dizdar (Nuray), Musab Ekici (Kenan), Ece Bagci (Sevim), Erdem Senocak (Tolga)
Résumé
Samet, un jeune professeur d’art d’Istanbul, effectue son service civil dans un village reculé d’Anatolie. Alors qu’il enseigne depuis quatre ans dans une école locale, son collègue Kenan et lui sont confrontés à des accusations de harcèlement sexuel de la part de deux élèves. Samet a du mal à comprendre ces accusations. Pendant ce temps il fait la connaissance de Nuray, enseignante d’une autre école qui occupe l’appartement familial en l’absence de ses parents.
Mon avis
Alors je vais vous dire:
– si vous n’aimez pas les films qui dépassent 1h30 (ici nous sommes sur 3h17) ou si vous êtes du genre impatient (par exemple, si vous trouvez déjà ce post trop long, c’est un signe);
– si vous n’aimez pas les films où ça peut rester plusieurs minutes sans parler (la scène d’ouverture montre Samet parcourant longuement le sentier enneigé qui mène de la grand-route au village);
– si vous n’aimez pas les films où ça peut rester plusieurs minutes à parler sans s’arrêter (il y a au milieu du film une scène dialoguée qui dure quoi, vingt minutes? dans laquelle les protagonistes échangent sur les mérites et les inconvénients de l’engagement politique);
– si vous n’aimez pas les films où la nature prend un peu trop le pas sur l’homme (ici les personnages ne sont que de petits points au milieu d’une nature rude);
– si vous n’aimez pas les films où l’homme prend un peu trop le pas sur la nature (ici la nature n’est qu’un décor changeant en arrière-plan des personnages);
alors…
ce film n’est clairement pas pour vous.
Pour tous les autres, vous pouvez y aller sans hésiter, c’est un film picturalement magnifique dont certains plans ressemblent à de grandes toiles de maître, où certaines scènes évoquent les grands de la littérature russe. Il montre la complexité des rapports humains comme une palette d’une immense subtilité, il s’attaque aux recoins de l’âme humaine (la lâcheté, la convoitise, la jalousie…) et gratte jusqu’au sang, il montre à quel point nous sommes insignifiants à l’échelle de la nature même si nous nous faisons de nos petits problèmes insignifiants des montagnes, mais il montre aussi comme l’âme est d’une richesse infinie, jusqu’à entrer dans la tête d’une petite collégienne élève dans un lycée perdu d’Anatolie accusant son professeur de gestes déplacés, sans que le spectateur puisse décider de la véracité ou non de ces accusations.
Ah j’oubliais, les acteurs sont extraordinaires, pas seulement Merve Dizdar qui joue Nuray, rôle pour lequel elle a décroché le Prix d’nterprétation féminine du dernier festival de Cannes, mais aussi Deniz Celiloğlu et Musab Ekici, qui jouent Samet et Kenan, et plus encore Ece Bagci qui joue Sevim, la petite lycéenne innocente (ou non).