Vu au cinéma « Vers un avenir radieux », de et avec Nanni Moretti, ainsi que Margherita Buy, Mathieu Amalric, Silvio Orlando, Barbora Bobulova, Elena Lietti, Jerzy Stuhr.
Résumé
Giovanni, cinéaste italien renommé, s’apprête à tourner son nouveau film. Mais entre son couple en crise, son producteur français au bord de la faillite et sa fille qui le délaisse, tout semble jouer contre lui ! Toujours sur la corde raide, Giovanni va devoir repenser sa manière de faire s’il veut mener tout son petit monde vers un avenir radieux.
Avis
J’ai mis du temps à aimer Nanni Moretti. Bien sûr il avait une forme de folie que j’aimais bien, mais cette folie n’était pas assez furieuse pour le faire entrer dans mon panthéon italien aux côtés de Fellini, Scola, Pasolini et les autres. Et là je ne sais pas, cet homme a bien vieilli, en apparence il n’est pas devenu plus fou, non (en tout cas pas furieusement fou), il a juste décidé d’être fidèle à lui-même, de garder la place qu’il incarne dans l’histoire de l’Italie et du cinéma italien. Et ça, à bien y réfléchir, c’est complètement fou.
Car autour de lui, le monde change, les jeunes gens qui l’entourent ne savent plus que l’Italie a compté deux millions de communistes (des Soviétiques, peut-être?), et qui pensaient que « communiste » était juste une insulte…
Le film que tourne son alter ego Giovanni (son vrai nom) retrace l’accueil d’un cirque hongrois par une cellule locale du PCI en 1956, tandis que l’Union soviétique a envoyé ses chars a Budapest. Les militants locaux prennent fait et cause pour ces Hongrois et le fol espoir de liberté qu’ils incarnent, et attendent de la direction centrale du Paris qu’elle saisisse l’opportunité pour se démarquer du grand frère soviétique…
Assistant à un tournage où il voit un jeune cinéaste inconséquent filmer une scène d’une violence inouïe sans le moindre recul, Giovanni décide de débouler au milieu du plateau, prêt à faire témoigner l’architecte Renzo Piano, à convoquer une mathématicienne qui ne jure que par les lois de la géométrie, ou même s’il le faut à joindre au téléphone son ami Martin Scorsese…
Alors que lui, dont le moindre plan répond à un souci éthique, voit l’argent des producteurs s’assécher: il faut se tourner vers des producteurs coréens (eux au moins lisent attentivement les scénarios) ou bien vers Netflix (l’entrevue hilarante entre Giovanni et les trois représentants italiens de la plateforme est une scène d’anthologie, et je ne révèle rien 😉 en disant que ceux qui finissent en bouillie ne sont pas le réalisateur presque septuagénaire et son équipe).
Ces déceptions politiques et artistiques sont mises sur le même plan que ses déboires familiaux: sa femme n’arrive plus à s’accommoder de son égocentrisme, sa fille s’est entichée d’un homme bien plus âgé qu’elle sans apparemment avoir trop besoin de son avis.
Bref, le monde ne va pas comme il voudrait, alors que fait-il? Il suit imperturbablement son chemin, s’astreignant à garder les idées claires, à faire ses longueurs de piscine sans fléchir, à faire ses repérages de films en trottinette (qui a remplacé sa mythique Vespa).
Cela commence dès le générique où le titre du film « Il Sol dell’Avvenire » est peinturluré devant nous en lettres rouges, à la manière d’un slogan révolutionnaire. Car pour Giovanni, rien n’est jamais perdu. Il compte bien réaliser tous les films qu’il a en tête, récupérer sa femme et utiliser les musiques de sa fille pour ses bandes originales. Il voudrait aussi que les erreurs politiques commises par l’Italie dans le passé n’aient pas eu lieu, et surtout qu’on les comprenne pour ne pas les réitérer.
Il s’obstine, donc, fort de l’idée que la fiction a le pouvoir de remodeler le passé pour le mettre en accord avec ses rêves. Et cela, il le prouve dans un finale éblouissant, une extraordinaire démonstration d’utopie unitaire, où les aînés donnent la main à leurs adversaires d’hier et aux inconscients d’aujourd’hui pour leur montrer qu’un avenir radieux est toujours possible…