Grosse poussée de nostalgie ce matin lors d’une promenade parisienne du côté de l’Opéra et des Grands magasins, puis plus loin dans les petites rues entre le Printemps et la Gare Saint-Lazare. Soudain l’envie me prend d’aller revoir le passage du Havre, où je venais enfant avec ma mère – Dieu ait son âme. Il y avait là une boutique spécialisée dans les maquettes (la marque japonaise Tamiya, appréciée des connaisseurs). Le passage était un peu sombre mais très animé, il y avait une vraie vie qui mêlait les passants, les clients et les boutiquiers.
Ma mère, qui savait que je pouvais passer des heures à choisir l’avion ou le bateau dont la reconstitution minutieuse allait m’absorber pour les semaines à venir, en profitait pour aller faire un tour du côté des Galeries Lafayette, et aussi à la boutique de soieries Bouchara, où elle choisissait les somptueuses étoffes qu’elle offrirait à sa mère ou dans lesquelles elle se ferait tailler ses robes en Égypte…
Bref, toujours est-il que je suis retourné voir le passage du Havre, où je n’étais plus retourné depuis. Or, quelle ne fut pas ma déception! Les boutiques singulières, l’animation des passants, les commerçants s’interpellant d’un bout à l’autre de la galerie, tout cela avait cédé la place à un passage totalement aseptisé, plus propre certes mais aussi presque vide, émaillé de boutiques franchisées aux enseignes des grandes chaînes, les mêmes qu’on retrouve aux quatre coins de la planète, à Londres comme à Dubaï, à New York comme à Shanghaï. Quant à ceux qui voudraient y prendre une collation, ils ont le choix entre Starbucks et Prêt-à-Manger.
En fin de compte, ce moment de recueillement nostalgique dont je me délectais par avance n’a pas eu lieu: le passage du Havre de mon enfance est bel et bien mort, victime collatérale de la rationalisation et de l’uniformisation qui nous pourchassent jusque dans nos plus beaux souvenirs…
Copyright Khaled Osman (février 2020)