Hier l’Égypte célébrait le transfert de vingt-deux momies royales depuis le musée du Caire jusqu’à leur nouvel écrin du musée de la Civilisation à Fustât.
Beaucoup de très beaux moments dans ces célébrations, mais je voudrais m’arrêter sur un instant de grâce pure, inclus dans cette séquence qu’il faut prendre le temps de déguster dans la vidéo en lien.
L’instant en question a lieu à 2:31:
Les harpes ont inauguré la séquence en lançant leurs notes cristallines, et la jeune Salma Sorour, qui achève son solo de violon, se libère enfin de la tension accumulée en esquissant un sourire. Elle sourit parce qu’elle a conscience de s’être surpassée, bien sûr. Mais elle sourit aussi car la fin de son solo marque la transmission du flambeau à la grande soprano Amira Selim. Celle-ci est chargée d’interpréter un hymne égyptien antique, arrangé par le musicien prodige Hicham Nazih en s’inspirant des chants liturgiques coptes et en y adjoignant des solos de nay et de rebab.
La formation philharmonique est dirigée par le chef d’orchestre Nader Abassi, qui lui aussi semble savourer l’instant, sûr de son fait. Il sait en effet que tous ces artistes qu’il emmène sont sur le point de délivrer au monde un message en langue musicale claire: l’Égypte n’est ni pharaonique, ni grecque, ni romaine, ni chrétienne, ni musulmane – elle est tout cela à la fois, produit d’une réaction chimique qui s’est catalysée au cours des siècles pour prendre une forme à la fois singulière et irréversible, sans qu’aucun de ses composants ne soit en capacité de la revendiquer pour lui seul.
Copyright Khaled Osman (avril 2021)