Je suis naïf: je pensais qu’en présence d’un film…
– réalisé par Roschdy Zem, qui est à la fois derrière la caméra et devant;
– sur un scénario co-écrit par le réalisateur avec Maïwenn;
– bénéficiant d’un casting fabuleux;
…je pensais, donc, qu’avec tout ça, les gens allaient se précipiter pour voir Les Miens.
C’est un très beau drame familial, fondé certes sur des éléments du quotidien mais non dénué de poésie:
Moussa (Sami Bouajila) a toujours été doux, altruiste et présent pour sa famille. À l’opposé de son frère Ryad (Roschdy Zem), présentateur télé à la grande notoriété qui se voit reprocher son égoïsme par son entourage, notamment sa soeur Samia (Meriem Serbah) et sa compagne Emma (Maïwenn). Un jour Moussa chute et se cogne violemment la tête. Il souffre d’un traumatisme crânien. Méconnaissable, il parle désormais sans filtre et balance à ses proches leurs quatre vérités. Il finit ainsi par se brouiller avec tout le monde…
Le film a des accents tragiques, mais il est aussi d’une grande drôlerie, et l’interprétation est tout à fait saisissante – outre Roschdy Zem pour lequel on ne courait pas grand risque d’être déçu, il faut citer les prestations stupéfiantes de Sami Bouajila et de Maïwenn.
Moi-même j’avais vu la bande-annonce juste avant la sortie et l’avais aussitôt inclus dans ma liste des films à voir. J’avais même failli y aller la semaine dernière, mais comme il venait de sortir et que j’avais du « rattrapage » à faire sur des films déjà en salle depuis plus longtemps, j’avais préféré remettre le visionnage à la semaine suivante.
Eh bien quelle erreur! Je l’ignorais, mais le film, qui avait pourtant bénéficié d’une mise en place conséquente, a eu un démarrage considéré comme trop moyen. De ce fait le grand multiplexe parisien près de chez moi a jugé bon de ne plus le projeter qu’une ou deux fois sur la semaine, et encore, en matinée. Si le Purgatoire existe pour les films (avant l’Enfer de la déprogrammation), c’est sans doute la séance du jeudi matin à 10h45!
À la sortie de la salle, les quelques spectateurs/trices se regardaient, visiblement émerveillés par le film et vaguement tristes de le voir voué ainsi à une progressive disparition.
Bon je n’ignore pas complètement que le cinéma, en plus d’être un art, est une industrie qui répond à des impératifs économiques, mais tout de même, il y a là une anomalie déroutante. La presse n’est pas mauvaise, même si certains font la fine bouche en parlant de bons sentiments (rien n’est plus faux) ou de méli-mélo confus (il s’agit d’une tragi-comédie limpide).
Peut-être les spectateurs potentiels ont-ils cru, sans y regarder de plus près, à un film par trop ancré dans la « communauté maghrébine », ce qui se serait catapulté dans leur tête avec le matraquage des chaînes d’information sur « les migrants » et l’activisme du gouvernement (qui avec son « mieux intégrer, mieux expulser », croit avoir découvert la martingale de la « question de l’immigration » – mais je m’égare)?
En réalité les origines n’ont aucun rôle dans le scénario, qui traite de ressorts familiaux universels (le fossé des générations, les malentendus qui causent des injustices, les non-dits qui ressortent lors des crises…), cela se passerait dans une famille du Gers ou de la Franche-Comté que l’histoire serait absolument la même, simplement il se trouve que Roschdy Zem vient d’où il vient (pas de Franche-Comté donc), et qu’il a choisi de représenter une famille inspirée de la sienne.
Quoi qu’il en soit, courez voir Les Miens pendant qu’il en est encore temps: on s’inquiète, on rit, on pleure et quand le film se termine et qu’il faut bien partir, c’est à regret qu’on quitte cette famille avec laquelle on aurait volontiers fait encore un bout de chemin.
Copyright Khaled Osman