Les femmes de Karantina

Lecture des « Femmes de Karantina » sur l’excellent site « Les trompettes marines »:

« Eltoukhy appartient à cette nouvelle génération de jeunes écrivains qui marquent fortement de leurs noms la littérature égyptienne d’aujourd’hui. [Il] nous offre son étrange et envoûtant second roman Les Femmes de Karantina. Une saga familiale qui s’étale sur trois générations jusqu’en 2064.

La toile de fond devant laquelle se déroulent les aventures burlesques et parfois tragicomiques de ce roman est une ville: Alexandrie. Une ville qui essaye de retrouver son prestige d’antan, sa fierté de cité cosmopolite et [son ambition] de supplanter Le Caire pour devenir la capitale de l’Egypte. «On peut dire, écrit Nael Eltoukhy, que les Alexandrins ne se sont jamais affranchis de leur vieux rêve: celui de voir Alexandrie, leur ville chérie, havre du monde libéré dans le Nord du pays, ravir au Caire son statut de capitale et retrouver le lustre ancien, cet éclat qu’elle avait encore au temps de sa gloire passée mais qui est aujourd’hui noyé sous des monceaux de poussière.»

Dans le roman, pour arriver à ce but, les Alexandrins cherchent un leader, quelqu’un qui saurait provoquer les autorités de la ville et par conséquence du pays lui-même. Cet être providentiel ils le trouveront en fait dans un couple, celui d’Injy et ‘Ali. Arrivés à la gloire par des actes de violence et de refus de respecter l’autorité, [ceux-ci] dresseront dans le quartier de Karmouz un immeuble, l’immeuble de la Karantina d’où ils pourront par leurs trafics et leurs méfaits dominer la ville. Ce rôle sera ensuite tenu par leur héritier, leur fils Hamada, personnage malgré tout nanti d’une certaine sensibilité d’artiste. Il s’entourera d’amis, d’hommes de confiance, qui en fait n’existent que dans son imagination. Après un règne de terreur, il mourra dans un acte de bravoure d’une extrême violence qui laissera la Karantina à feu et à sang. Il [aura] toutefois eu le temps d’engendrer deux enfants, deux filles, Yara et Lara, qui seront élevées par Injy leur grand-mère, seule rescapée de ce jeu de massacre, et reprendront fièrement le flambeau du destin de leur lignée.

Les Femmes de Karantina est un livre plein d’humour et de situations rocambolesques, écrit avec une plume leste et moderne. Nael Eltoukhy introduit dans les dialogues le langage parlé des Alexandrins, traduit en français par Khaled Osman avec beaucoup de bonheur. Ainsi, nous retrouvons, à la lecture de ces conversations entre gens du peuple, la fraîcheur et l’humour des quartiers populaires d’Alexandrie.
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Les personnages des Femmes de Karantina, sont décrits à grands traits caricaturaux et évocateurs. Ces descriptions souvent hilarantes pourraient, pourquoi pas, inspirer un jeune dessinateur de bandes dessinées (égyptien ou pas) en panne d’histoire devant sa planche blanche. Il trouverait dans cette saga familiale un thème nouveau pour un futur ouvrage. Nael Eltoukhy lui a d’ailleurs déjà mâché le travail, avec sa plume alerte, qui laisse défiler sous nos yeux et entre les lignes du roman, les images de page en page de cet univers pittoresque.
Oui, une bande dessinée ou encore pourquoi pas un péplum alexandrin à la mode d’Eltoukhy.

Encore jeune – il est né en 1978 –, Nael Eltoukhy nous réserve sûrement d’autres romans de la trempe des « Femmes de Karantina ». Il faudra donc surveiller la publication de ses prochains ouvrages.

David Nahmias, oct 2017″

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« Les Femmes de Karantina », Nael Eltoukhy, traduit de l’arabe par Khaled Osman, éditions Actes Sud (collection Sindbad), 2017

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