« C’est la séparation entre ville noire et ville blanche qui scandalisait le plus ton père, d’autant que malgré ses années de clairière et de pénombre il avait appris à lire à une vitesse étonnante les livres des Blancs et en saisissait désormais bien le sens. Il se demandait surtout pourquoi la ville blanche dans le pays des Noirs était strictement interdite à ces derniers dès 21 heures, heure à laquelle la sirène annonçait la civilisation en sonnant l’effroi sur la capitale.
À cette époque, on racontait l’histoire d’un jeune étudiant revenu de Paris. Il affirmait que des Blancs le servaient tous les jours au café et au restaurant, avec des que désire monsieur, bienvenue dans notre établissement. On l’avait proprement giflé, pour lui apprendre à ne pas divulguer des mensonges aussi gros, ce n’est pas parce qu’il étudiait en France qu’il devait penser qu’au pays tous étaient dénués de l’intelligence la plus élémentaire. »
Extrait du roman de Wilfried N’sondé, Le Coeur des enfants léopards, Actes Sud, 2007, repris en poche Babel, 2010.
Ce livre avait reçu le prix des cinq continents de la Francophonie et le prix Senghor de la création littéraire.