Je pars vers le pays

« [JEANNE:] Simon. C’est Jeanne. Je suis à l’aéroport. Simon, je t’appelle pour te dire que je pars vers le pays [le Liban, jamais nommé]. Je vais essayer de retrouver ce père, et si je le trouve, s’il est encore en vie, je vais lui remettre l’enveloppe. Ce n’est pas pour elle, c’est pour moi. C’est pour toi. Pour la suite. Mais pour ça, c’est d’abord elle, c’est maman qu’il faut retrouver, dans sa vie d’avant, dans celle que toutes ces années elle nous a cachée. Je vais raccrocher, Simon. Je vais raccrocher et tomber tête première, tomber loin, très loin de cette géométrie précise qui structurait ma vie. J’ai appris à écrire et à compter, à lire et à parler. Tout cela ne sert plus à rien. Le gouffre dans lequel je vais tomber, celui dans lequel je glisse déjà, c’est celui de son silence. Simon, est-ce que tu pleures, est-ce que tu pleures? »

Extrait de « Incendies », pièce de Wajdi Mouawad (2e opus du quatuor « Le sang des promesses »), Léméac-Actes Sud Papiers 2003, repris en poche Babel, 2009.

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