Lu « Chanson douce », roman de Leila Slimani, paru en 2016 aux éditions Gallimard.
L’issue du récit est dévoilée dès les premières pages: deux jeunes enfants sont sauvagement tués par Louise, une « nounou » à laquelle Paul et Myriam, couple de la moyenne bourgeoisie, les avait confiés. À partir de cette scène d’ouverture, le roman s’attache à élucider dans un vaste flash-back les circonstances qui ont pu mener cette nourrice exemplaire (tellement que ses anciens employeurs avaient « songé à faire un troisième enfant » afin que Louise puisse s’en occuper) à commettre un acte aussi terrible.
Habituellement, je reste plutôt à l’écart des ouvrages de la « rentrée littéraire », cette grande foire aux bestiaux cornaquée par les grands éditeurs trop ostensiblement désireux de faire récompenser leurs plus belles bêtes.
J’ai fait une exception après m’être laissé happer par le prologue éblouissant de ce roman, et aussi parce que j’étais intrigué de savoir comment l’auteure allait réussir à maintenir la tension après avoir si vite abattu ses cartes.
Le pari est plus que réussi, car c’est à une véritable dissection que nous assistons, dissection méticuleuse (presque documentaire même si elle passe par la description fictionnelle de chaque pensée, attitude et comportement) des rapports qui liaient Louise à ses employeurs, aux enfants, à sa propre fille, à son logeur, à ses voisins, aux autres nounous du quartier…
Leila Slimani porte un regard précis et acéré sur tous ces rapports où se mêlent domination de classe, culpabilité des mères qui travaillent, amitiés sur fond d’hypocrisie, rancoeurs de voisinage et jalousies féminines, et cela dans un style étonnamment mûr chez cette auteure qui n’en est qu’à son deuxième roman. Une très belle surprise.