J’étais donc invité en février par l’Institut Français d’Égypte à Alexandrie, pour cette septième édition des rencontres « Écrire la Méditerranée », parmi un groupe assez hétérogène d’écrivains venus deFrance spécialement pour l’occasion: Charles Dantzig (qui doit au seul ordre alphabétique d’être placé en première position 😉), Dominique Fernandez, Marcus Malte, Wilfried N’Sondé, Mazarine Pingeot, Sylvain Prudhomme.
Il y avait aussi Hyam Yared, arrivée du Liban, et Nael Eltoukhy, qui avait fait le déplacement depuis… Le Caire.
Une organisation précise et efficace (avec l’aide de dévoué.e s jeunes « volontaires francophones »), des rencontres passionnantes sur le thème « Lire, Traduire, Parler » (et plus particulièrement sur la question de la traduction), le fait qu’elles se déroulent dans plusieurs lieux d’Alexandrie – Institut français, Université Senghor, Consulat de France, Bibliotheca Alexandrina… (l’occasion de revoir Alexandrie sous un nouveau jour) -, tout cela a rendu ces rencontres inoubliables.
Mais je voudrais aujourd’hui mettre plus particulièrement en avant un des événements de ces rencontres…
On m’avait demandé d’animer un atelier de traduction à la Faculté des Lettres de l’Université d’Alexandrie (filière Langues appliquées).
J’avais accepté avec enthousiasme quoique non sans appréhension, sachant que l’atelier est une alchimie délicate qui ne prend que si le « tuteur » parvient à instaurer un climat de confiance et à faire sortir de leur silence des « élèves » souvent retenus par la timidité.
Or, il y a eu à l’arrivée plusieurs très bonnes surprises.
Tout d’abord, j’ai découvert que notre session, pour nous une simple ligne au milieu d’un programme dense, était attendue à la fac comme un temps fort – la visite sur le « campus » de deux « grands auteurs ». 😀
Nael Eltoukhy et moi avons ainsi eu droit à un accueil royal: rencontre avec la doyenne, remise d’une médaille et d’un diplôme attestant de notre contribution (et je vous le dis tout net: un diplôme de Polytechnique ne m’aurait pas rendu plus fier).
Ensuite est venu le temps consacré à faire découvrir aux étudiants notre travail d’écrivains et de traducteurs (Nael Eltoukhy, en plus d’être auteur, est traducteur de l’hébreu vers l’arabe).
Lui et moi, on ne se connaissait pas plus que ça, d’autant que je n’avais pas eu particulièrement besoin d’échanger avec lui au cours de la traduction (il faut croire que je me sentais, dans les bas-fonds d’Alexandrie que décrit le roman, un peu comme un poisson dans l’eau. 😁)
Or le courant est passé tout de suite entre nous, la rencontre a pris des allures de ping pong entre le français et l’arabe, entre Nael et moi, entre la salle et nous…
Enfin est venu le temps – hélas trop court – de l’atelier proprement dit. En apprenant que nous bénéficierions de la présence de Nael, l’idée était venue tout naturellement de travailler sur des extraits des « Femmes de Karantina« , son roman paru récemment chez Actes Sud dans ma traduction.
Et là, cette alchimie rare dont je vous parlais a eu lieu. Les élèves (en majorité de jeunes étudiantes), emmenées par leur formidable professeure Dr Rim Hafez, se sont prises au jeu, et à chaque difficulté de traduction exposée, pour laquelle Nael nous éclairait le contexte, les propositions ont commencé à fuser…
Les filles (pardon pour les quelques garçons pris dans la masse) non seulement n’avaient pas froid aux yeux, mais elles formulaient d’excellentes idées témoignant d’un vrai amour de la langue française…
De quoi ressortir plein d’optimisme sur cette nouvelle génération, et se dire que la relève est assurée…