Lue hier sur « La Plume francophone », la [magnifique] profession de foi poétique, intitulée « Le devoir de beauté », du grand poète tunisien Tahar Bekri (extrait):
« Rebelle à la domestication de l’esprit, [la poésie] est une aventure humaine formidable, vol de feu, chevauchée de l’imagination, même si elle part du réel, expression généreuse et altruiste. J’essaie, grâce à elle, de dire mon être, de défendre mon visage humain, contre la laideur dans le monde: guerre, violence, intolérance, fanatisme, cupidité, obscurantisme, etc. Elle est mon devoir de beauté, ma résistance contre la volonté de mort, chant vibrant pour la vie, respect de l’homme où qu’il soit, d’où qu’il vienne. Aussi, je n’ai pas de leçon à donner ni de message tout prêt à présenter sur un plateau. La poésie est une quête des vérités. Elle peut être complexe comme l’humain. Facile en apparence, plus difficile, intérieurement. J’écris de l’interrogation inquiète, de l’intériorité plongée dans la fureur du monde, du silence couvert par le bruit, de la défense de la lumière pour percer la cécité menaçante. La poésie est une éthique non pas une politique. Une manière d’être au monde. Un chant pour aimer.
J’écris, pour des raisons historiques mais aussi par choix personnel, en arabe et en français. J’ai la chance d’avoir deux langues. Elles me permettent d’habiter une maison à deux fenêtres. Mon toit est l’univers, mon sol est la terre, ma porte est ouverte sur le large pour accueillir l’humanité entière. Je doute souvent. Ma seule certitude est le parcours humain dans sa traversée à la fois, épique et tragique, fragile et courageuse, magnifique et éphémère, digne et inconsolable, de la vie, l’amour, la mort. »
© Tahar Bekri, juillet 2015