Vu hier en avant-première à l’Institut du Monde Arabe (dans un auditorium comble), l’avant-première de « Villa Touma », premier film de la Palestinienne Suha Arraf comme réalisatrice (elle était scénariste sur « Les Citronniers » et « La Fiancée syrienne »).
Synopsis:
Trois sœurs célibataires issues de l’aristocratie chrétienne de Ramallah ne parviennent pas à
accepter la nouvelle réalité de l’occupation et l’émigration massive de l’aristocratie palestinienne. Pour surmonter cela, elles se sont enfermées dans leur villa, se raccrochant désespérément à la nostalgie de leur gloire passée, jusqu’au jour où une nièce orpheline, Badia, entre dans leur vie et bouleverse leur univers. Estimant qu’il est de leur devoir de perpétuer le nom de la famille, les trois sœurs se mettent en tête de lui faire épouser un chrétien, aristocrate et célibataire. En traînant Badia à tous les enterrements, tous les mariages et toutes les messes, parviendront-elles à lui trouver un bon mari?
Mon avis:
Un excellent film réalisé dans le somptueux décor de cette villa au charme suranné de Ramallah, étouffant huis-clos dont on ne s’échappe que pour assister à des rituels compassés. La détermination des trois tantes à marier leur jeune nièce donne lieu à des scènes d’une drôlerie irrésistible, qui cependant n’occultent pas la tristesse de cette vie d’enfermement. L’occupation israélienne ne se devine que furtivement, les trois soeurs ayant fait le choix – mais en avaient-elles d’autre? – de se tenir hors de la politique (ce qui est une manière pour le film d’être politique). Le film vaut cependant surtout pour son étude de moeurs dans cette micro-société cramponnée à des valeurs qui la fuient.
L’interprétation des trois femmes et de la jeune fille est saisissante, avec une mention spéciale à Nesreen Faour en aristocrate dirigeant sa maisonnée d’une main de fer, à l’opposé de son rôle de Muna dans l’inoubliable « Amerrrika », le film qui l’avait révélée.
La polémique:
En marge du film, une polémique a eu lieu lorsque la réalisatrice a entendu présenter son film comme palestinien alors qu’il avait bénéficié pour sa production de financements octroyés par des fonds cinématographiques israéliens.
Cette polémique est analysée dans un article-entretien paru sur l’excellent site Electronic Intifada. Comme le souligne à juste titre Salah Mohsen, défenseur des droits des Palestiniens: « On n’interdit pas aux films israéliens qui – fréquemment – bénéficient de fonds d’aide européens, de se prévaloir de leur nationalité. » Il s’agit donc, sous couvert d’aider la réalisatrice à produire son film, de mieux la contrôler. Suha Arraf, menacée de devoir restituer les fonds perçus, a néanmoins dû céder à ces injonctions.
Du moins partiellement: se refusant pour autant à se présenter sous la bannière israélienne, elle a déclaré son film comme « apatride » au festival de Toronto.
« Apatride, comme le sont les Palestiniens partout à travers le monde. », a-t-elle déclaré…