Lu dans le Progrés égyptien, sous le titre « Le journal d’un “Khawàga” – Le secret… », un (très beau) texte de Gérard Chareyre qui est une véritable déclaration d’amour à la Haute-Égypte et plus particulièrement à la ville d’Assouan, abordée à l’issue d’une remontée en train de nuit (extraits):
« Tiens ! A la traversée d’un petit village, on entend l’adan, l’appel à la prière du matin, le «fajr». Et voilà que le jour se lève et petit à petit le paysage s’illumine. Vite une toilette de chat et au wagon salon… Tous rideaux ouverts, nous voilà assis aux meilleures places pour contempler tour à tour le Nil au plus large de son cours, ou une palmeraie sur notre gauche, ou encore un petit village à droite avec des enfants qui déjà, sont prêts pour l’école. Et plus loin, ce paysan conduisant son troupeau de vaches noires aux yeux maquillés. Puis le train ralentit, car c’est une multitude de moutons qui envahissent les voies, mais vite apeurés par trois coups de sifflet stridents de la locomotive. Tout semble blanc avec le soleil levant qui à midi sera jaune brûlant et ce soir rouge comme les braises d’un four qui a chauffé toute la journée.
Sept heures moins dix du matin. Ça y est nous allons arriver… Où?… Au PARADIS […]
Mais ce qu’il faut voir avant tout et y séjourner, c’est l’Île Eléphantine. Voir d’abord le petit musée vieillot et des fouilles qui elles sont grandioses. Plus de cinq civilisations se superposent en ce bout de l’île, côté sud. Un promontoire nous permet d’avoir une vue d’ensemble sur l’île, mais aussi sur tous les environs à 360°. Les plus beaux vestiges étant le temple de Knoum et de ses deux parèdres, Anoukis et Satis. Maintenant qu’on y est, laissons-nous emporter. Car cette île, il faut en faire le tour. S’y attarder. La vivre… Tout le long du chemin de bordure du fleuve, ce ne sont que fleurs et arbres divers. Bougainvilliers, ibiscus, rosiers, jasmins, orangers, bananiers, palmiers-dattiers, et tant d’autres encore… Et le Nil, majestueux, de chaque côté. On se croirait sur un immense vaisseau et malgré la chaleur, le fleuve nous apporte toute sa fraîcheur.
Et la rencontre avec les Nubiens qui l’habitent est déjà une part de magie. Quand un Nubien vous hèle en français et vous parle de Voltaire et Rousseau, ce n’est pas n’importe qui. Alors régulièrement, nous allons suivre Hamdi sous les futaies et les palmiers et nous retrouver dans la cour colorée aux murs remplis de dessins naïfs de Kana. Son épouse et ses filles ne savent que faire pour nous honorer. Thés, karkadé, dattes de toutes sortes et petits gâteaux maison, sans doute basboussa… Rester un après-midi sous les ombrages avec Hamdi, sans parler la même langue, en ne voyant pas le temps passer, tout en dégustant des mangues cueillies sur place, on a déjà un pied au paradis! Non? »
Copyright Khaled Osman (novembre 2014)