Vu au cinéma « Respire », le deuxième film de Mélanie Laurent comme réalisatrice.
J’y allais avec un peu de méfiance – j’apprécie plutôt l’actrice mais ne suis pas fou du personnage surexposé ni de ses confessions aux magazines de psychologie. Elle avait toujours déclaré que sa vocation première est la réalisation et on peut la croire au vu de « Respire » qui n’est pas un « film d’acteur » au sens réducteur du terme (d’ailleurs elle n’y joue pas), mais une vraie réussite de mise en scène, avec un scénario bien charpenté.
La première réussite tient au duo de personnages très bien dessinés (et formidablement interprétés par Joséphine Japy et Lou de Laâge) que le film ne lâche jamais, dans une sorte d’apnée qui fait écho au titre et à l’asthme dont souffre Charlène (« Charlie »). Celle-ci, élève de terminale studieuse mais assez mal dans sa peau, vit un quotidien morne, entre un père presque absent (Radivoje Bukvic) et une mère timorée et incapable de se détacher d’un mari qui ne l’aime plus (Isabelle Carré dans une composition audacieuse).
Les choses basculent quand une nouvelle élève arrive en cours d’année dans sa classe. Sarah incarne tout ce que Charlie n’est pas: elle a vécu à l’étranger, elle a l’art de capter l’attention des autres par ses récits plein de vie et n’a peur de rien, ni des joints ni du sexe avec les garçons. Cette irruption bouleverse le quotidien de Charlie.
En la sortant de sa réalité, la nouvelle venue va du même coup la couper de tous ses repères, aussi ternes soient-ils – sa vie bien réglée de bonne élève, son environnement domestique, son amie d’enfance… – et ainsi littéralement absorber tout l’oxygène autour d’elle. Le film montre avec brio et justesse – c’est là sa seconde réussite – le processus par lequel cette admiration vaguement craintive que Charlie ressent pour cet être flamboyant et énigmatique se développe progressivement en une obsession qui dévore tout.
Copyright Khaled Osman (novembre 2014)