« Je n’ai jamais élucidé vraiment cet amour profond et déclaré que je porte à la ville d’Alexandrie, d’autant que j’ai voyagé partout et séjourné dans nombre de villes touristiques à travers le monde, parmi les plus belles et les plus propres.
Dernièrement, j’ai commencé à comprendre, ou du moins à suspecter, qu’en réalité, je ne l’avais jamais aimée d’amour véritable. Car quand je m’élançais vers la mer, tournant le dos à la ville, à la recherche d’un moment de relaxation et d’inspiration pour écrire un poème, ce n’était pas – ce ne pouvait être – de l’amour. L’égoïsme ne peut tenir lieu d’amour, pas plus que la nostalgie. Quand nous nous comportons comme des touristes vis-à-vis d’une ville située dans notre propre pays, nous ne l’aimons pas. Quand nous nous attendrissons sur une ville située dans notre pays ou dans tout autre pays, ce n’est pas elle que nous voyons mais le reflet de son passé et des souvenirs personnels que nous y avons. Notre nostalgie devient un crime dès lors que nous nous obstinons à tourner le dos à la cité pendant qu’elle subit un viol, tout cela parce que nous savourons le fait de penser à son image passée, à nos souvenirs à nous plutôt qu’à son présent à elle. Ça, ce n’est pas de l’amour, c’est du meurtre. »
Phrases d’introduction au [magnifique et poignant] dossier – en arabe – que Ghada Nabil* consacre sur vingt pages à la destruction du patrimoine architectural d’Alexandrie, publié comme supplément à l’hebdomadaire littéraire Akhbar el-Adab daté du 9 août 2015.
* Poétesse et romancière égyptienne.
Copyright Khaled Osman (septembre 2015)