Memory box

Vu au cinéma « Memory Box » de Khalil Joreige et Joana Hadjithomas, avec Rim Turki, Manal Issa, Clémence Sabbagh,  Paloma Vauthier, Hassan Akil

Synopsis
Le  jour de Noël, Maia et sa fille, Alex, reçoivent [à Montréal où ils vivent] un mystérieux colis  en provenance de Beyrouth. Des cahiers, des cassettes et des  photographies que Maia, de 13 à 18 ans, a envoyé de Beyrouth à sa  meilleure amie partie à Paris pour fuir la guerre civile. Maia refuse  d’affronter ce passé mais Alex s’y plonge en cachette. Elle y découvre l’adolescence tumultueuse et passionnée de sa mère dans les années 80 et des secrets bien gardés…

Mon avis
Le point de départ du film – cette boîte à mémoire qui lui donne son titre – est une idée magnifique. Elle s’inspire de la véritable histoire de la co-réalisatrice Joana Hadjithomas, qui a effectivement entretenu une telle correspondance avec une de ses amies partie vivre en France. Avec son complice Khalil Joreige, et sachant que tous deux sont venus au cinéma à partir de leur expérience d’artistes visuels, ils ont décidé de donner vie à ce matériau.
C’est ainsi qu’ils l’ont enrichi de nouvelles photographies (plus de dix mille ont été prises, montrant les protagonistes à différents stades de leurs existences) et aussi en emmenant le récit vers la fiction avec leur coscénariste Gaelle Macé, une image ou un son prenant vie pour devenir une scène de tournage.
Ces années au Liban coincident pour Maia avec les soubresauts de la guerre civile et aussi les premiers  émois amoureux, une histoire d’amour avec le jeune et fougueux Raja qui n’échappera pas aux tiraillements de la politique et de la violence.
« L’histoire de la guerre civile libanaise, explique Joana Hadjithomas, n’existe pas dans les livres d’histoire, n’a pas pu être transmise. Des historiens, des artistes, des écrivains essayent d’en reporter des  fragments, certains films ou documents sont là pour attester un peu de ce qui a eu lieu. Il y a donc des traces, mais elles sont fragiles, elles se transforment, disparaissent, comme les bâtiments qui ont été détruits par la guerre ou par la rénovation immobilière.
Nous n’avons pas fait d’études de cinéma ou d’art, et notre impulsion à faire des films ou des œuvres d’art vient de notre obsession des traces et des questions que cela pose. Qu’est-ce qu’on fait de ces traces? Et si on ne garde aucune trace du passé, est-ce possible de vivre notre présent? Memory box pose directement cette question. »

Un film extrêmement émouvant sur la mémoire, la guerre, les souvenirs qu’on voudrait enterrer mais qui vous habitent malgré vous et se transmettent d’une génération à l’autre. Il brasse au passage les thèmes passionnants de l’histoire intime et de la Grande Histoire, du déracinement et de l’intégration, de la maternité et de la filiation, de l’usure de l’âge et de la jouvence.
Et puis c’est un formidable bain de nostalgie, grâce à une bande-son superbe qui nous replonge dans cette période des années 80, avec en tête le « One way or another » de Blondie…

Copyright Khaled Osman, février 2022

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