Ce matin nous évoquions les roses, le temps est venu à présent d’évoquer le fumier… Je veux bien sûr parler de la monstrueuse – je ne trouve pas d’autre mot – interpellation en pleine sortie scolaire, le 9 octobre dernier, de Leonarda, une collégienne kosovare de 15 ans, afin qu’elle soit renvoyée dans son pays d’origine.
Il est vrai qu’il y a eu dans la classe politique certaines réactions indignées, principalement à gauche, sur les circonstances de l’interpellation (à droite, on est moins indigné, à part l’odieuse Rachida Dati qui est choquée… qu’on puisse comparer la politique actuelle à celle, pétrie d’humanisme républicain, de « son » Nicolas Sarkozy).
Mais au sein de l’exécutif, c’est l’embarras qui domine. Voyez-vous, cette affaire, comment dire, les gêne un peu aux entournures. François Hollande a estimé qu’il fallait un peu de temps pour y voir plus clair… Manuel Valls (qui a toujours quelque chose à dire ou à faire sur tout) a immédiatement « décidé l’ouverture d’une enquête », tout en déclarant d’emblée que, selon lui, la loi avait été respectée. Mais le comble a été atteint quand un porte-parole du ministère de l’Intérieur (pas retenu son nom) a expliqué ce matin sur i-Télé que les dispositions avaient été prises avec la direction de l’école pour que cette interpellation se passe « le plus discrètement possible ».
Ah oui? Et comment fait-on pour que cette (putain d’) interpellation reste discrète, quand on débarque en pleine sortie scolaire pour sommer une gamine de descendre du bus devant ses camarades, devant ses enseignants, devant les parents d’élèves qui accompagnaient probablement cette sortie? Et puis, à supposer même qu’on y soit arrivé (à être discret), cette affaire ne soulève-t-elle aucune autre question morale? Si les policiers chargés d’exécuter cet ordre ne s’insurgent pas devant une opération aussi dégradante, si la population de notre pays est conduite à penser que cette déshumanisation est l’inévitable prix à payer pour conserver son bien-être, n’est-ce pas parce que nos responsables politiques – droite et gauche confondues – ne cessent d’assener que nous vivrions bien s’il n’y avait pas tous ces autres – Gitans, Roms, Arabes, Noirs, plombiers polonais, collégiennes kosovares?
Copyright Khaled Osman (octobre 2013)