« Qui lui avait appris à lire? Ce sont les enfants, affirmait Florita Almada, il n’y a pas de meilleurs maîtres qu’eux. […] La vie est comme ça, juste quand elle croyait que s’évanouissaient pour toujours les possibilités de faire des études ou de les reprendre (une vaine espérance, à Villa Pesqueira on croyait que «école du soir» était le nom d’un bordel dans les environs de San José de Pimas), elle avait appris, sans grand effort, à lire et à écrire.
A partir de ce moment-là, elle avait lu tout ce qui lui tombait entre les mains. Elle notait dans un cahier les impressions et les pensées que suscitaient en elle ses lectures. Elle lut des magazines et des vieux journaux, elle lut des programmes politiques […] et des journaux récents, elle avait lu le peu de livres qu’elle avait pu trouver et son mari, après chaque absence passée à négocier des animaux dans les villages voisins, s’était habitué à lui rapporter des livres, qu’il achetait en certaines occasions non à l’unité mais au poids. Cinq kilos de livres. Dix kilos. Une fois, il était arrivé avec vingt kilos de livres. Et elle n’en avait pas laissé un seul de côté sans l’avoir lu, et de tous les livres, sans exception, elle avait tiré un enseignement.»
Extrait de « 2666 », de Roberto Bolaño, traduit de l’espagnol (Chili) par Robert Amutio.