La cadette de mes filles vient de terminer un roman de Guillaume Musso, et elle a littéralement… a-do-ré.
Bien entendu, j’étais ravi qu’elle l’ait lu et ne voulais surtout pas la décourager d’en lire d’autres. J’ai donc adopté une mine de bonze impassible, mais elle a tout de même détecté, à un je ne sais quoi dans mon expression, que je ne tenais pas cet auteur, comment dire, en très haute estime. 😉
S’est alors engagée une discussion animée pour savoir si Musso est oui ou non un écrivain.
J’essaie vainement de la convaincre qu’être un bon raconteur d’histoires ne fait pas un écrivain, pas plus que dérouler une intrigue qui se tient ne fait d’un roman de la littérature. Je crois même que dans mon emportement, je traite Musso de « fabricant de livres ». Je me coupe en quatre pour lui faire comprendre que ce qui fait un « vrai écrivain », c’est avant tout le style, mais je m’aperçois vite que cette notion est aussi subjective que difficile à définir. Pour cette génération-là, grandie avec une souris à la main et avide de séries TV, l’efficacité du « scénario » prime sur les belles phrases.
De son côté, elle défend mordicus l’idée – somme toute généreuse – que quiconque écrit des livres est un écrivain, qu’elle a pris moins de plaisir à lire du Zola (ah, les lectures traumatisantes du français tel qu’il est enseigné à l’école!) qu’elle n’en a eu à lire ce Musso-là.
Au bord de l’apoplexie, je la mets alors au défi de me trouver une seule phrase de son satané bouquin dont on ait envie de se souvenir.
Là, elle me recommande d’aller jouer aux billes… euh, je veux dire d’aller faire un tour et de revenir dans quelques minutes, pendant qu’elle feuillette frénétiquement les pages à la recherche des passages qui l’ont séduite.
De retour, j’arbore mon sourire condescendant (celui qui l’énerve), certain qu’elle n’a rien trouvé de mémorable et savourant d’avance ma victoire par K.O. technique.
– Installe-toi là, m’enjoint-elle, j’ai trois passages à te lire.
Elle me lit les passages en question, pendant que je fourbis mes armes, m’apprêtant à porter l’estocade. Sauf que…
Sauf que les passages qu’elle me lit ne sont pas si mauvais, ils ne sont même, à vrai dire, pas mauvais du tout. En tout cas, je ne vois pas comment les assassiner sans passer pour un aigri. Depuis, j’ai renoncé à discuter littérature avec ma fille, et je passe mes journées à pleurer 😀
Copyright Khaled Osman (août 2015)