Éructations

Vu l’autre soir à la télé, dans « Ce soir ou jamais », le débat sur la question « Pour vivre ensemble, faut-il se ressembler? » avec le « philosophe » Alain Finkielkraut, l’historien Pascal Blanchard, l’économiste Hervé Juvin et le scénariste Abdel Raouf Dafri.

Si je mets philosophe entre guillemets, ce n’est certes pas pour dénier à Finkielkraut son indiscutable érudition en matière de savoir philosophique, ni son aptitude à organiser sa pensée et à l’exposer avec éloquence.
Mais il me semble que ces qualités ne suffisent pas à en faire un philosophe. Il lui en manque au moins deux, dont l’absence a été (cruellement pour lui, et assez douloureusement pour le spectateur) soulignée par ledit débat.

La première de ces qualités, c’est d’être capable d’admettre la contradiction et d’y répondre par des contre-arguments logiques, et non par des tics nerveux, des postures méprisantes et des moues dégoûtées. Cet homme est tellement convaincu de la justesse de sa pensée (voir plus bas) qu’il s’emporte, éructe et ne veut plus rien voir ni entendre dès lors qu’on le contredit.

Mais la deuxième qualité qui, plus gravement, lui fait défaut, c’est cette large empathie humaine dont le vrai philosophe a besoin pour comprendre ses contemporains. Or, Finkielkraut réserve cette empathie à un petit nombre de catégories nationales qui lui tiennent à coeur: « les Français qu’on n’ose plus appeler de souche », qui se sentent perdus dans cette nouvelle France « multiculturelle », les tenants du savoir académique, qui se sentent perdus face à ce déferlement de jeunes aussi incultes que décérébrés et surtout incapables de maîtriser la langue française (telle qu’il aurait aimé qu’ils la parlassent), et, last but not least, les Israéliens, dont certains esprits libres nécessairement animés par une judéophobie inavouée s’acharnent injustement à dénoncer les incessantes exactions contre les Palestiniens.

Tout autre philosophe manifestant de telles carences et proférant de telles énormités aurait été renvoyé sans ménagement à l’écriture solitaire et hargneuse de ses pamphlets. Mais Finkielkraut, lui, continue de bénéficier, par une indulgence coupable de notre société des apparences, d’une surface institutionnelle et médiatique démesurée par rapport à l’amplitude de sa pensée. Et au lieu de savourer ce privilège indu, il persiste à s’estimer victime d’attaques injustifiées…

Copyright Khaled Osman (octobre 2023)

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