Entendus hier, dans le 3e volet de la série d’entretiens « A voix nue » que lui consacre France-Culture, les propos du journaliste et écrivain Jean-Paul Kauffmann, qui a accepté de revenir sur cette parenthèse douloureuse de sa vie qu’ont été ses trois années de captivité au Liban. Au-delà de l’expérience très éprouvante (les camarades otages qu’on côtoie avant d’apprendre qu’ils ont été assassinés, les cris des détenus torturés dans les cellules voisines, la difficulté du retour à la vie « normale »,…), il y a eu dans cette période d’obscurité (y compris « au sens propre », explique Kauffmann, puisqu’il a passé ces trois ans sans jamais voir la lumière du jour), quelques rares moments de chaleur et d’espoir. Cela tient notamment aux livres que, dans les moment de relâchement accompagnant les rumeurs (hélas fausses) de libération imminente, leur geôliers leur apportaient: la Bible, les Chemins de la liberté, de Sartre, Guerre et paix, de Tolstoï…
A propos de ce dernier livre, une anecdote cocasse. Son gardien lui ayant demandé quel livre il voulait, Kauffmann avait donné ce titre-là, se disant qu’avec un ouvrage de cette taille, il aurait au moins de quoi tromper son ennui (de fait, il allait avoir l’occasion de le lire cinquante ou soixante fois, ce qui l’a peut-être aidé à rester sain d’esprit).
Emplettes faites, le geôlier revient et, tout en lui remettant les deux tomes du classique russe, ne peut s’empêcher une remontrance: « Je t’avais dit de choisir un livre, et toi, tu en demandes deux! »
Copyright Khaled Osman (avril 2014)