Lu – en arabe – sur la page FB d’Ahmad Medhat, jeune écrivain égyptien de vingt ans, le court récit suivant:
« Un jour que j’étais assis à côté de ma grand-mère, par terre comme elle aimait s’asseoir près de la porte de sa maison – on regardait les gens passer dans la rue et on se racontait des choses -, je lui ai demandé:
– Il te manque, Grand-père?
Elle a souri de tout son visage plein de rides, et m’a répondu d’une voix forte que je ne lui entendais pas souvent:
– C’est une question à poser, ça? Depuis qu’il est parti, je fais rien d’autre que me rouler dans son manque.
Un peu pour la taquiner, mais surtout pour qu’elle continue à parler, j’ai dit:
– Sérieux, à ce point-là?
Elle a répliqué:
– Apporte-moi donc voir cette pomme, là-bas.
Je me suis levé pour prendre la pomme sur la table à côté de nous, sans trop comprendre.
Tenant le fruit au-dessus de l’assiette, elle y a fendu une portion avec le couteau, j’ai vu que ses doigts tremblaient…
– Tu vois, m’a-t-elle dit en brandissant dans sa main gauche le morceau qu’elle venait de séparer, depuis qu’il a mis les bouts, je suis comme ce truc, là… tellement que j’ai même pas de nom! Tu peux appeler ça « une pomme », toi? Tu peux pas. Tout au plus une tranche découpée. Elle a plus de branche, plus de racine, plus d’arbre qui me donnerait de la tendresse et qui s’accrocherait à moi. »
……….
Juste un petit commentaire sur ce qui m’a le plus touché dans ce récit et donné envie de vous le traduire: la façon dont, après avoir commencé à décrire la tranche de pomme à la 3e personne, elle passe soudainement au « je » pour conclure son poignant aveu de solitude.
Copyright Khaled Osman (février 2015)0