Vu au cinéma, « Le Passé », d’Asghar Farhadi.
Autant le dire, j’y allais avec une certaine appréhension, non pas quant au talent – maintes fois démontré – du réalisateur de de « La Séparation », « A propos d’Elly » ou « Les Enfants de la Belle ville », mais plutôt quant à la capacité d’une histoire située dans un décor qui nous est très (trop) familier, à créer le même effet d’étrangeté et de fascination que ses films « iraniens ».
Mais dès les premières minutes du film, on se rend compte que tout ce qu’on aime dans le cinéma de Farhadi (la progression dramatique, l’intensité de chaque scène, et surtout la description subtile de personnages confrontés à des dilemmes moraux) est plus présent que jamais.
On aurait également pu craindre que sa méconnaissance du français ne crée une sorte de superficialité (comme cela arrive dans certaines coproductions internationales), mais c’est plutôt le contraire qui se passe. Farhadi paraît avoir compensé cette gêne éventuelle par rapport à ce qui passe par les mots (encore que, étant le scénariste de son film, il en connaît chaque détail sur le bout des doigts) par une attention accrue à tous les autres aspects de la mise en scène.
Ainsi de l’intensité des regards et des silences (la fillette qui assiste, muette, à l’altercation entre adultes), de la gestion de l’espace (une scène d’anthologie où Bérénice Bejo laisse Ali Mosaffa – son ex – et Tahar Rahim – son actuel – face à face dans une cuisine de quelques mètres carrés), de la direction d’acteurs (tous – adultes et enfants – époustouflants, avec cependant un petit bémol sur le jeu de Bérénice Béjo)…
Même la question du décor par trop familier (une maison de banlieue, la terrasse d’un café-bar, un quai de métro) est transfigurée par cette mise en scène hypnotique.
Farhadi démontre ainsi, non seulement qu’il est un grand cinéaste (on le savait déjà), mais qu’il est un artiste universel…
Copyright Khaled Osman (mai 2013)