Entendu hier, dans les « Rendez-vous » de Laurent Goumarre sur France-Culture, l’entretien passionnant avec le chef-opérateur Philippe Rousselot [une vraie légende du métier puisqu’il a travaillé avec les plus grands noms du cinéma, de Tim Burton à Alain Cavalier, en passant par Stephen Frears ou Milos Forman] (extraits):
« Pourquoi avez-vous choisi d’ouvrir et de refermer votre livre de souvenirs par cette photographie d’un pont en Louisiane?
– En fait, j’étais là pour un projet, et en y allant tous les matins, je me suis rendu compte que, sur le trajet, je travaillais déjà: je mémorisais la lumière éclairant ce pont près du lac Pontchartrain – cette lumière qui chaque matin était différente… C’est ainsi: un chef-op emmagasine tout le temps ces effets de lumière, pour tenter plus tard de les restituer.
– Au cours de votre carrière, vous a-t-on parfois demandé des choses inhabituelles?
– Bien sûr, souvent. Mais là où j’ai radicalement changé ma façon de concevoir mon métier – avant, je pensais que les choses devaient se faire dans un certain ordre -, c’est après avoir travaillé avec Patrice Chéreau [pour lequel il a éclairé « La reine Margot »]. Un jour, on devait faire la fameuse scène du mariage. Donc, je demande à Chéreau: « Où comptez-vous placer la caméra? – Oh, je ne sais pas encore, me répond-il, éclairez donc toute la cathédrale, et puis je verrai en fonction… » Dans ces cas-là, commente doucement Philippe Rousselot, on se dit: « Je l’étrangle tout de suite, ou bien je souris? » Mais on n’étrangle pas quelqu’un qu’on aime. Alors je lui ai souri, et finalement, j’ai éclairé la cathédrale et lui a pu placer sa caméra… »
Quand l’actualité est un peu sombre, ça fait du bien d’entendre quelqu’un parler si joliment de lumière…
Copyright Khaled Osman (octobre 2013)