Les années de l'enfance aveugle

Poème de 'Alaa Khaled, traduit par Khaled Osman paru dans la revue meet, novembre 2008

 

© Alaa Khaled, reproduction interdite.

 

9 rue Qordahi

 

Chaque fois que, plusieurs années ayant passé,

S’estompait en elle la brillance du souvenir,

Elle préparait ses valises et, claudiquant sur sa béquille d’acier,

Venait à Alexandrie

Revoir la maison où elle avait grandi

Chez ses parents, au 9 rue Qordahi.

 

Elle trouve la villa toujours debout, à seule fin

Peut-être que sa vie ne connaisse jamais la trahison.

Elle égrène de sa démarche lourde

Tous les détails qui s’étaient dérobés à sa vue

Et les aimante à elle pour reconstituer le souvenir.

 

Elle se tient au pied de la maison,

Scrute la fenêtre où, petite, elle s’était tenue,

Et depuis laquelle elle avait vu

Se tisser, dans le jardin, les mailles du complot —

Le nouvel acheteur en train de mesurer,

En mètres carrés, la superficie de son enfance.

 

Comme elle avait pleuré alors,

Des sanglots de fille unique!

Elle était bien trop petite alors,

Pour refermer la fenêtre sur ses pleurs

Ou pour se maintenir à flot

Au-dessus du souvenir

Afin de le laisser grandir à ses côtés

Comme on le ferait avec un frère aimé.