Copyright Editions Actes Sud, 2022
"Cet Ali descendait – quand bien même cette parenté
était quelque peu sujette à caution – d’une famille aisée habitant l’un
de ces quartiers populaires qui se piquent de brandir les valeurs de
chevalerie et de virilité à la face des petits minets de la classe
moyenne.
Pour constituer sa fortune, cette famille avait fait main basse sur le
marché des bas morceaux de boucherie, du genre tripes et autres abats,
ce qui dénotait de leur part une force physique certaine et une
dextérité extrême dans le maniement des armes tranchantes.
Si l'on s’accorde sur le fait que chaque individu a son vice, alors nul
doute que le vice d’Ali L’Amande était les femmes: il avait une
véritable passion pour tous les spécimens de l’espèce homo sapiens
pourvus d’une chatte. Il s’était bâti une réputation dans tout le
secteur comme un débauché de première grandeur, que rien ne pouvait
dissuader de s’adonner à sa passion exclusive.
On disait qu’il savait se montrer reconnaissant envers les «pouliches»
qui déféraient sans retenue à tous ses caprices. Celles-là, il
n’hésitait pas à les couvrir de cadeaux, depuis les délicieux abats
qu’il offrait gratuitement en vue d’engraisser la cliente, en passant
par les puces de téléphone et les invitations à manger au restaurant et
à fumer la chicha, et jusqu’aux bijoux en or et aux cadeaux en nature.
Cette réputation suscitait la colère de son père, le hagg Mahmoud
L'Amande. Ce dernier n’était pas trop gêné que son deuxième fils
convoite tout membre de la gente féminine se mouvant à la surface de la
planète, non. En revanche, ce qui l’irritait profondément, c’était le
gaspillage auquel il se livrait."