Silence et tumulte
Roman de Nihad Sirees,  traduit de l'arabe (Syrie) par Ola Mehanna et Khaled Osman

Baiser pour résister à une dictature et ne pas devenir fou

Dans Silence et Tumulte, il y a le silence de l'auteur qui ne peut plus écrire et  le tumulte de la rue où une grande parade est organisée en l'honneur du leader. Entre les deux, il y a la réflexion que le silence peut guider et que le tumulte anéantit. Le bruit des manifestations empêche le peuple de réflechir.
 
Ce texte incisif se déroule un jour de parade. La population est contrainte d'ailler défiler dans la rue à la gloire de son leader. Ceux qui restent en dehors du cortège sont arrêtés par la police.
Un  homme, un écrivain réduit au silence, cherche à passer entre les mailles pour rendre visite à sa mère puis rejoindre la femme qu'il aime à l'autre bout de la ville.
 
Dans [ce roman], Nihad Sirees revient sur les années d'oppression. Surnommé le "Kafka du Moyen Orient", il démonte par touches métaphoriques tous les rouages d'un système qui comprime l'individu et sa liberté d'expression.
 
Comment ne pas perdre sa dignité et sa raison d'être devant des séquences répétées d'humiliation infligées à ceux qui ne suivent pas la ligne tracée par le régime?
Au départ, le narrateur s'invente des histoires dans sa tête, dans son for intérieur, comme un jardin secret. Mais un jour, il croise un voisin qui parle seul et à voix haute.
Il redoute alors devenir fou, car la folie guette les hommes.
 
Le sexe sera sa seule échappatoire. Bien qu'il soit question d'amour avec sa compagne, c'est bien le sexe dans sa dimension bestiale qui sert de recours. Baiser comme un animal, pour que le corps extériorise toutes les frustations de l'âme et qu' il puisse, une fois apaisé, se regarder dans une glace, l'esprit soudainement libre. Baiser à mort pour ne pas mourir et regarder demain avec espoir. Baiser pour résister à l'oppression. Baiser pour ne pas "laisser tomber", attitude suivie par tous ses amis qui préfèrent feindre la betise et la docilité pour vivre en paix.
 
avis d'Eric Valmyr sur le blog Echos d'ailleurs, 25 septembre 2012


Publié en 2004, au Liban, le premier roman traduit en français de Nihad Sirees, écrivain syrien, prend une résonance toute particulière du fait des événements tragiques qui ont lieu depuis de nombreux mois dans son pays. Silence et tumulte est un livre brillant, sans doute en grande partie autobiographique, qui décrit les états d'âme et le quotidien d'un écrivain rebelle au régime qui se débat au milieu de la répression sanglante orchestrée par le "Leader", jamais nommé autrement mais dont il est facile de reconnaître les traits.

Les armes de Sirees et de son héros pour combattre les forces de l'obscurantisme? La dérision, omniprésente, touchant souvent à l'absurde dans des scènes dignes de Kafka, et le sexe, ou plutôt la sensualité, renforcée par la canicule qui s'abat sur Damas, jamais nommée mais ...

Comment vivre et aimer dans une dictature pareille sans perdre son intégrité morale et physique? Tout le roman est contenu dans cette interrogation. L'impuissance et l'espoir se mêlent dans une écriture précise, ironique, moderne, très agréable à lire. Une jolie révélation d'un auteur dont on attend impatiemment de nouvelles traductions.

avis de Traversay sur le site de lecture Parfums de livres, 22 octobre 2012