La Marcheuse

Roman de Samar Yazbek,  traduit de l'arabe (Syrie) par Khaled Osman


Le guerre de Syrie racontée par Rima, une fillette qui a la tête dans les histoires, les mots et les couleurs. Rima lit beaucoup, dessine aussi, et s’invente des planètes. Rima est une fillette particulière qui ne parle pas sauf pour réciter le Coran ou le Petit Prince et dont les jambes se mettent en mouvement dès que sa maman détache la cordelette qui relie leurs poignets.

Mais un jour tragique, sa maman disparaît lors d’un contrôle policier et Rima, blessée est conduite dans un hôpital/prison. Orpheline, c’est son frère, un adolescent combattant qui vient la chercher et la cache, et l’entrave pour la protéger, pour l’empêcher de marcher. Seule, dans un souterrain, attachée à un vasistas, sans électricité, avec quelques victuailles, Rima regarde la guerre par la fenêtre à barreaux et raconte, par écrit. Elle décrit des choses terribles en plus de la guerre, la solitude, la faim, la peur mais en toute ingénuité et clairvoyance et s’adresse à celui ou celle qui découvrira son journal.

Ce roman m’a vraiment touchée. L’histoire est poignante, l’écriture sensible et juste.
Il faut le lire, et le faire lire !



Lecture sur le site Le voyage de Lola, octobre 2018




Toi Rima, la marcheuse, l’adolescente vivante au milieu des cendres, tu es le courage au milieu d’un pays en ruines. Ton pays, la Syrie, l’un des berceaux de la civilisation est en lambeaux, tes pieds te portent vers la marche mais pour aller vers où, vers quelle lumière encore possible dans cet enfer où même bientôt il n’y aura plus d’insectes tellement la mort est lâchée en bombes… Rima, j’ai honte de trembler à tes pages de lecture, j’ai honte de verser des larmes sur ton peuple, j’ai honte d’avoir la gorge serrée alors que je lis dans le confort de la paix et l’estomac rempli. Surtout que vivante, tu ne le seras plus, tu ne l’es déjà plus…

Rima c’est l’histoire d’une jeune fille muette dans le pandémonium syrien. Atteinte d’une maladie étrange, elle ne peut s’arrêter de marcher dès qu’elle est debout. Raison pour laquelle sa mère l’attache avec une longue corde pour éviter qu’elle parte trop loin. Un jour, pour aller voir une amie bibliothécaire, la mère et la fille  traversent la ville de Damas et lors d’un énième check-point, la maman est tuée et la fille blessée. Transportée dans un hôpital prison, Rima découvre l’horreur en temps réel et les conditions de "détention sanitaire". Récupérée par son frère, qui l’attache à son poignet, elle part dans la Ghouta, là où son cher frère disparaîtra à son tour… mais il a le temps lors du gazage massif de demander à son ami Hassan de prendre soin de sa sœur. Jusqu’au jour où…

Rima dessine, raconte. Puise toute l’énergie possible dans les réminiscences de ses lectures, principalement Le petit prince et Alice au pays des merveilles et dans l’écriture, ses feuilles de papier où elle narre toute la solidité d’une tragédie. Elle arrive encore à rêver, pour supporter la pluie d’horreur s’abattant par torrents, a parfois espérer, a parfois attendre la mort.

Par ce récit d’une force inénarrable l’écrivaine syrienne Samar Yazbek dresse un constat plus qu’étourdissant et sombre sur un pays en guerre depuis sept ans et sous la domination clanique des el-Assad depuis 1970. Elle est devenue une voix pour les milliers de Syriens qui ne peuvent s’exprimer, qui ne peuvent plus crier leur souffrance. Son précédent récit Les portes du néant était déjà déchirant, avec La marcheuse, c’est un pas de plus dans la descente du domaine d’Hadès, des flammes de sang projetées sans pitié sur un peuple qui ne demandait qu’un peu de liberté. Le récit regorge de métaphores sur la double peine d’être une femme en Syrie : on ne peut parler, on ne peut se déplacer librement seule, la violence fait la loi, qu’elle vienne du pouvoir en place ou de l’extrémisme religieux.

Ce livre est d’une beauté scripturale pour relater les ténèbres d’une guerre, la douleur d’un peuple, le désespoir sans aucune lumière de survie, sans le souffle d’un apaisement. Témoignage sans censure de la dictature des bombes qui brise le destin d’une jeune fille  qui découvrait l’émergence de l’amour et  n’avait qu’une ambition: vivre. Mais de marcher, ses jambes se sont arrêtées…


Lecture de Squirelito sur son blog, accompagnée d'une illustration originale et de citations choisies du roman, août 2018.




Rima est créative et pauvre. Une bibliothécaire lui apprend à lire à cinq ans et demi et repère son don en dessin. Rima qui ne parle pas et souffre d’une « maladie » qui l’empêche de contrôler ses jambes, vit  attachée. Rima vit en Syrie. Rima invente, lit, raconte son quotidien, la mère, la mort, son sens de l’observation, sa réflexion à la fois pertinente et décalée, sa jeune vie dans l’enfer incompréhensible de la guerre.

Ce roman est magnifique. Je suis admirative du talent de Samar Yazbek qui parvient ici à écrire un roman sur l’indicible horreur du quotidien de la  guerre en Syrie, avec un sens de l’onirisme et un imaginaire puissant. J’ai été happée par son personnage de Rima. J’ai adoré le style de l’auteure. Samar Yazbek arrive à marier le merveilleux et le réalisme dans une écriture qui porte la puissance de l’imaginaire à son apogée. J’ai adoré cela, tout en détestant encore plus la guerre, mais en admirant le style que j’avais l’impression d’entendre parfois chanter. [...]

Rima est une adolescente atteinte d’une maladie qui l’empêche de contrôler ses pas. Dès qu’elle est libre,  elle ne peut s’empêcher de marcher sans s’arrêter. Aussi vit-elle attachée tout le temps. Rien que cela en soi a une dimension symbolique forte. Elle porte sur le monde depuis le peu d’espace où elle peut se mouvoir un regard à la fois d’une acuité perçante et d’un décalé qui permet à l’auteure de faire en sorte que son récit soit partiellement distancié, et graduellement ascendant dans la tragédie d’une façon fine.

Ce personnage, Rima, me fascine entre autres par son originalité, qui est présente aussi bien par son esprit, son imagination, et l’écriture puisque Rima est la narratrice du roman. Elle s’adresse à nous, lecteurs, directement, nous sommes ses confidents, depuis un souterrain où elle revient par écrit sur sa vie, sa survie. J’ai trouvé cela magnifique et terrible à la fois.

Il ne faut pas lire ce roman par devoir, ou culpabilité, mais parce que c’est une œuvre littéraire d’une très grande qualité. Il faut le lire pour ressentir combien la guerre est une insanité en soi. Ce roman est tellement réussi du point de vue des personnages, du sujet et de la façon de le traiter ainsi que de l’écriture, je ne puis que vous encourager à le découvrir.

Mais aussi pour continuer à vivre et à s’ouvrir par la force de l’imaginaire, grâce à la beauté du langage (superbe traduction de Khaled Osman) dans une universalité grâce à la culture et la découverte de l’autre et ses étrangetés.    

Un roman d’une puissance que je ne suis pas prête d’oublier. Il aura compté dans mes lectures et je ne souviendrai de Rima et sa personnalité riche, de cette façon puissante de décrire l’horreur d’une guerre qui certes se termine, mais après sept ans de carnages et des dommages qui durent.

Merci Samar Yazbek.

Lecture sur le blog L'autre Magda, août 2018




La marcheuse, une adolescente qui ne parle pas, lit tout ce qu'elle trouve, cantille des sourates du Coran et marche dés qu'elle n'est pas attachée. Père disparu, mère femme de ménage et un frère de deux ans son aînée. Nous sommes en Syrie, à Damas, au présent, donc en pleine guerre. C'est elle la narratrice, et ce qu'elle raconte dés les premières pages, est déroutant. Le temps reste suspendu, "Il n'était rien, et aujourd'hui il n'est rien", tellement ce qu'elle vit est surréaliste. Elle écrit dans un souterrain, s'adressant familièrement à un tiers, inconnu, d'elle comprise.
Un style malheureusement lassant, ajouté aux horreurs et [à] l'inhumanité de la guerre, même égayés du monde imaginaire aux références littéraires de l'adolescente, ont fini par me faire suffoquer. Pourtant j'en lis nombreux de ces réalités terribles, et souvent elles sont mes meilleures lectures, bien que les plus tristes. Ici, Yazbek en a fait presque du cinéma d'horreur. Il y a sans aucun doute un fond de réalité, mais elle a poussé son imagination trop loin avec ce personnage totalement coupé du monde, et obligé d'y vivre comme une loque, en plus enchaînée constamment, un détail qui m'a perturbée tout au long de la lecture. Pourtant cette réalité qui sombre dans une fiction surréaliste, cette fille enchaînée physiquement qui communique uniquement par le biais de l'écriture et du dessin dans l'enfer de la guerre, dans un langage sophistiqué ("Je vais le retirer du tableau impressionniste que j'ai décidé de consacrer à ce lieu étrange", "C'est à travers la paralysie de ma langue que j'ai appris à connaître le monde, et aussi à travers les livres") aurait pu être une histoire intéressante, mais elle reste dans son ensemble trop romanesque et peu crédible dans la cruelle réalité qui secoue la Syrie.

Ce livre est dédiée à Razane Zaytouna, avocate, dissidente syrienne enlevée et disparue sans laisser de traces dans la nuit du 9 au 10 décembre 2013, à Douma, ville de la banlieue de Damas. L'avocate que j'ai connu grâce au très beau témoignage de Justine Augier, De l'ardeur.

Un grand merci aux Éditions Stock et NetGalley de m'avoir donnée l'occasion de découvrir le dernier livre de cette écrivaine courageuse, même si elle ne m'a pas conquise !


Lecture  de "Bookycooky" sur le site Babelio, mai 2018


[...] Que dire… une claque. Ce roman m’a fichu une claque. Parce que le sujet qu’il aborde est douloureux, horrible à écrire. Comment être juste? Samar Yazbek ne fait pas une fausse note. Je l’ai trouvé tellement juste dans ses mots, les mots de Rima. Rima, c’est la petite fille de l’histoire. La petite fille qui ne demande qu’à dessiner, marcher, vivre dans le monde d’Alice aux pays des merveilles et parler avec le Petit Prince. Rima vit avec sa mère et son frère, dans un quartier malaisé. Les journées sont longues, chaudes, bruyantes. Rima est constamment reliée à sa mère par une corde qui lui entaille le poignet. Pour ne pas qu’elle s’échappe. Le mutisme de la fillette est dur à vivre, au début. Puis ses proches s’y habitue. C’est peut-être mieux qu’elle ne parle pas.

"C’est à travers la paralysie de ma langue que j’ai appris à connaître le monde, et aussi à travers les livres – et c’était largement suffisant."

Rima observe, écoute le monde comme personne. Elle distingue les couleurs, les textures. Et puis elle dessine. Elle raconte une histoire. Son histoire. [...] La mère et la fille se rendent à Damas pour visiter une amie. Rima est impatiente. Mais la guerre est déjà là, les soldats sont partout, personne n’est libre d’aller à sa guise. Rima est apeurée, elle a chaud, elle s’urine dessus. La mère descend du bus qui les conduit, et Rima s’échappe. [...]

L’hôpital pénitencier dans lequel elle est soignée n’est pas des plus amicaux. D’autres enfants comme elle sont allongés dans des lits. Le silence règne. Rima ne cesse de réfléchir. Que fait-elle ici ? Et même, quel est cet endroit ? Et où est son frère.

Quand les deux enfants se retrouvent, c’est le silence. Son frère est-il comme elle finalement ? L’adolescent a changé. La guerre l’a changé. Peut-être est-ce dû à la peur que Rima voit dans ses yeux, la dureté aussi. Ou peut-être l’arme qu’il porte en bandoulière.

La Ghouta. Une cuve assiégée depuis des semaines. Rima y restera un petit moment. Tantôt dans un appartement avec d’autres réfugiés, tantôt dans une cave, seule. Malgré les épreuves, la jeune fille ne cesse de voir la vie en couleurs. Elle dessine avec ce qui lui tombe sous la main. Les épreuves autour d’elle ne semblent pas vraiment l’atteindre bien qu’elle les subisse. C’est comme si elle flottait au-dessus de son propre corps, qu’elle volait et regardait tout d’en haut. Comme si elle n’était pas vraiment là.

La fin ouverte laisse flotter tout un tas de questions. A nous de piocher celle qui nous satisfait le plus.

Un très beau roman, une très belle plume que je découvre.


Lecture  sur le blog L'oeil de M, août 2018




La narratrice, Rima, est une jeune syrienne atteinte d'une étrange maladie. Depuis toute petite, elle ne peut pas s'arrêter de marcher et elle a perdu la faculté de parler. En permanence attachée au poignet de sa mère par une corde de deux mètres de long, elle a pu apprendre à lire et écrire grâce à Sett Souad, la bibliothécaire de l'école où travaille sa mère. En effet sa mère la cachait dans la bibliothèque pendant qu'elle faisait le ménage à l'école. Rima aime les couleurs et écrit des contes illustrés. Elle aime aussi les livres, surtout le Petit Prince et Alice au pays des merveilles et sait réciter le Coran que Sett Souad lui a appris à lire et à recopier. Elle voyage dans sa tête et s'invente des planètes secrètes comme le Petit Prince lors de son voyage dans l'espace.

Un jour d’août 2013, elle traverse Damas en bus avec sa mère pour rendre visite à Sett Souad, c'est la première fois qu’elle voit le monde extérieur depuis deux ans. [...]

Enfermée seule dans un souterrain sans eau ni électricité, Rima écrit son histoire dans un récit qu'elle adresse à celui qui découvrira ses feuillets et son unique stylo bleu. La jeune fille est enfermée sous terre sans aucun repère temporel car au bout d'un moment elle a cessé de détacher chaque jour un fil de son hijab pour mesurer le temps. Elle ne peut voir qu'un tout petit bout du monde extérieur à travers une fenêtre pourvue de barreaux. "L'écriture n'est rien d'autre au fond que l'expression d'une peur".

L’auteure dédie ce récit à Razane Zaytouna dont l'histoire racontée par Justine Augier dans De l'ardeur: Histoire de Razan Zaitouneh, avocate syrienne m'avait bouleversée. Annoncé sur le bandeau de couverture comme "bouleversant et nécessaire", je trouve que ces deux adjectifs sont les plus appropriés pour qualifier ce grand livre. Le récit est sombre, très fort mais empreint malgré tout d'une jolie poésie car l'auteure a eu la judicieuse idée de choisir comme personnage principal une jeune adolescente singulière qui a une vision très poétique de la vie, qui a appris à connaître le monde extérieur à travers les livres, qui pose parfois un regard très naïf sur l'horreur de la guerre, des attaques chimiques et du siège. L'auteure nous offre une véritable plongée dans le monde intérieur de cette petite fille pas comme les autres. Le récit est fait de multiples digressions car Rima écrit comme les idées lui viennent, pour moi ce procédé narratif a contribué à alléger ce récit parfois bien lourd, "les récits se déroulent selon des cercles concentriques et se complètent par la répétition et l'ajout de détails".
Samar Yazbek est une auteure engagée qui expose ainsi au monde l'horreur de la guerre en Syrie et la souffrance de son peuple. Voici un livre qui devrait compter dans la rentrée littéraire de septembre.

Lecture  sur le blog Les Livres de Joelle, août 2018