Censure planétaire

Texte de Gamal Ghitany paru dans Autodafé n°3-4, printemps 2003

 

Au cours des quelques semaines qui viennent de s’écouler, il s’est produit coup sur coup deux événements qui ont suscité dans l’opinion publique une large controverse.

Le premier incident s’est produit le 20 septembre dernier, lorsque les lecteurs d’Al-Ahrâm – le plus ancien quotidien égyptien – ont eu la surprise de découvrir dans leur édition matinale, sous la plume de l’ambassadeur des États-Unis au Caire, Mr David Welsh, une lettre ouverte aux intellectuels, écrivains et directeurs de rédaction égyptiens. Dans ce texte intitulé : « Les points sur les i » et rédigé – fait rare – en arabe, l’ambassadeur accusait tous ceux qui écrivent des articles non conformes à la vision des États-Unis d’attenter aux valeurs de vérité et d’authenticité, de s’appuyer sur des sources douteuses et erronées, avant d’exiger des responsables de rédaction des journaux égyptiens qu’ils relisent méticuleusement les articles qui leur étaient soumis afin de ne pas trahir la vérité – tout du moins la vérité telle que la conçoit l’ambassadeur américain. À vrai dire, cette lettre a provoqué en moi un malaise, et cela pour deux raisons.

La première raison, c’est que ce texte m’est apparu comme comportant un appel – ou plus exactement une injonction – en vue d’instaurer une censure supplémentaire dans notre pays qui en connaît déjà différentes formes, certaines visibles, d’autres plus cachées. Qui plus est, cette demande de censure émanait de l’ambassadeur de la seule grande puissance mondiale actuelle, qui considère les événements du 11 septembre comme imputables au bloc non-occidental en général, et aux musulmans en particulier. Conséquence de cette imputation, les États-Unis ont fait peser sur les régimes arabes de notre région diverses menaces : mobilisation des forces armées, déploiement de missiles fixes, embarqués ou aéroportés, raids effectués par des avions de destruction (depuis les drones jusqu’aux bombardiers stratégiques géants de type B-52), sans parler des pressions plus souterraines : demandes de modification des programmes scolaires ou suppression de certains textes des livres prescrits par les ministères de l’Éducation de certains pays arabes. Si j’en crois les informations que j’ai pu recueillir, il est avéré que certains pays ont cédé aux demandes américaines.

Nous voilà donc confrontés à une forme planétaire de censure, puisqu’elle émane de la plus grande puissance du globe. Ce qui me dérange, ce n’est pas seulement le poids que cette force exerce sur nos régimes, mais surtout le fait que cette censure s’exprime sous des formes multiples qui, toutes, sont contraires aux valeurs et aux principes édictés par la Constitution américaine elle-même. Cette contradiction entre la politique étrangère des États-Unis et les principes constitutionnels américains est sans nul doute un désaveu apporté aux valeurs de liberté et d’humanisme. Les événements qui se sont produits dernièrement dans l’actualité, et que nous avons pu quelquefois suivre sur nos écrans de télévision, confirment ce déni de justice. Nul doute par exemple que le traitement infligé à leurs prisonniers sur la base de Guantanamo constitue une violation patente des droits de l’homme par les Américains, diamétralement opposée aux principes mêmes de la justice américaine. Il en va de même de l’opération menée au Yémen, où l’on a pu voir des hommes pris pour cibles et éliminés au moyen d’un missile tiré par un drone américain. Au reste, peu importe qu’il s’agisse d’un avion conduit par un pilote ou dirigé à distance depuis la terre ferme : cette pratique inédite de liquidation d’individus sans procès préalable, à l’instigation d’une grande puissance en position de domination, marque le début d’une nouvelle politique, qui ne fait aucun cas des principes de la légalité et de la morale. Nous en faisons également les frais dans notre région, lorsque des hélicoptères Apaches et des avions F-16 prennent pour cible l’une des pièces d’un appartement ou un logement situé dans un quartier à population dense, afin d’éliminer, sans procès ni jugement, des Palestiniens qui ne font que résister à l’occupation de leurs terres par Israël. Cela revient à mettre en œuvre un terrorisme d’état pour répondre au terrorisme des groupes armés ; ainsi le principe du terrorisme comme mode d’action se trouve-t-il entériné, tandis que la loi du plus fort permet de brandir le slogan de la lutte contre le terrorisme afin de frapper tel ou tel État – sans qu’on puisse dire qui, parmi ces États, est coupable et qui est innocent. Bref, c’est la porte ouverte à un terrifiant chaos.

La seconde raison de mon malaise face à la lettre de l’ambassadeur américain, c’est que je suis moi-même directeur de la rédaction d’un hebdomadaire littéraire – je veux parler de la revue Akhbâr al-Adab (les «Nouvelles littéraires») – qui se préoccupe précisément d’exprimer le point de vue des intellectuels, catégorie dont sont pour l’essentiel issus les membres de la rédaction et les auteurs publiés. Par conséquent et bien que je ne le connaisse pas personnellement, j’ai eu le sentiment que l’ambassadeur américain s’adressait directement à moi. Mais avant de réagir en tant que directeur de rédaction, je me suis pris à envisager l’affaire en tant que romancier… J’ai imaginé l’ambassadeur d’Égypte à Washington publiant une lettre ouverte similaire, dans le New York Times ou dans le Washington Post, et j’ai essayé de me représenter les réactions qui n’auraient pas manqué de se déchaîner… Bien entendu, les organisations de défense des libertés auraient immédiatement publié des communiqués de protestation, de même que les syndicats de journalistes et les représentants de la société civile. Mais les choses n’en seraient sûrement pas restées là, sans doute l’affaire aurait-elle été débattue au Capitole, à la Commission des finances du Sénat et, non loin de là, au Pentagone, on se serait penché sur les meilleurs moyens de répondre aux menaces égyptiennes et à cette tentative de museler la presse américaine libre d’imposer une nouvelle forme de censure. Peut-être même serait-on allé jusqu’à alerter le Commandement central de l’armée américaine, on aurait alors vu apparaître le général Tommy Franks, qui effectue de fréquents déplacements au Proche-Orient, et que la rumeur donne pour l’un de ceux qui auront une influence déterminante dans le devenir de la région. Bien entendu, l’affaire aurait également été discutée à la Maison Blanche, madame Condolezza Rice nous aurait gratifiés de quelques communiqués acerbes dénonçant la politique égyptienne et ses velléités d’interférer dans la liberté de la presse américaine, et menaçant de couper l’aide financière accordée à l’Égypte.

Au Caire, les réactions au texte de l’ambassadeur se sont limitées au Syndicat des journalistes égyptiens, qui s’est publiquement indigné, et à un communiqué portant la signature des plus éminents intellectuels égyptiens, qui ont dénoncé cette nouvelle limitation à la liberté d’expression, d’autant plus choquante que notre histoire porte encore la marque des multiples batailles qui ont été livrées contre la censure sous toutes ses formes. De mon côté, j’ai écrit un article, sur un ton suffisamment courtois pour ne pas provoquer l’ire des dirigeants du Pentagone dont les nerfs sont à fleur de peau depuis les événements du 11 septembre. Là, j’ai tenté d’expliquer à l’ambassadeur des États-Unis le danger qu’il y avait à expurger et à interdire. J’ai aussi rappelé l’attitude que nous avions adoptée après le 11 septembre. C’est que nous avons compris le danger extrême recelé à long terme par les événements qui venaient de se produire, je veux parler de l’élargissement de la fracture entre l’Orient et l’Occident, ou encore entre les puissances occidentales et ceux qui se réclament de l’islam. Ayant compris cela, il était vital pour nous de nous tenir au fait de ce qui se passait dans l’autre camp : qu’est-ce qu’on y écrivait ? qu’est-ce qu’on y disait ? C’est pourquoi nous nous sommes employés à faire traduire une masse de documents exprimant des points de vue variés, aussi bien des analyses objectives de la situation que des pamphlets vulgaires s’en prenant à l’islam comme religion et à ses valeurs sacrées. Le but que nous poursuivions, et qui est toujours le nôtre, était de chercher à savoir comment l’autre camp réfléchit, car la connaissance est la première étape si l’on veut comprendre l’autre, dissiper un malentendu, franchir une frontière, diagnostiquer un mal. Sans connaissance, les gens de raison sont contraints d’avancer à l’aveugle, sans savoir où ils posent le pied. Ce qui est paradoxal, c’est de voir se multiplier les tentatives pour imposer une censure ou faire supprimer certains textes, à une époque où les frontières sont précisément en train de se dissoudre, voire de disparaître complètement sous l’effet des moyens de communication modernes. Plus grave, c’est précisément la nation qui a joué un rôle primordial dans la conception de ces moyens modernes qui mène aujourd’hui cette politique (visible ou cachée) de censure à l’échelle du globe. Bien sûr, il est facile de comprendre les raisons sous-jacentes à cette attitude, notamment l’état d’urgence décrété après le 11 septembre ; toutefois, d’autres facteurs étaient déjà présents dès avant ces événements, à savoir la volonté hégémonique d’imposer à l’ensemble de la planète une pensée unique, une culture unique.

Cela étant dit, il me semble nécessaire de clarifier un certain nombre de points...

Je récuse les étiquettes univoques, comme celles qui parlent d’un Occident absolu ou d’un Orient absolu. Il n’y a pas un Occident unique, pas plus qu’il n’y a un Orient unique ; au contraire, l’observation nous apprend que le coucher du soleil à l’horizon est un processus continu au cours de l’année, qui ne peut être l’apanage d’une région à l’exclusion des autres. Il en va de même du jaillissement de l’aube, comme l’avaient déjà remarqué nos ancêtres, les anciens Égyptiens, il y a de cela des millénaires. Il existe en Occident des voix sensées, qui savent que la richesse de l’humanité est dans l’interpénétration de ses cultures et la complémentarité de ses éléments, et non dans le projet de bâtir une culture unique en écrasant les autres. Dans notre région du monde, il existe des voix similaires, non seulement à l’époque actuelle, mais aussi depuis les temps les plus anciens. Ainsi, notre grand maître Jalaluddîn Rûmi – poète, musulman et soufi – qui naquit en Afghanistan, écrivit sa poésie en persan et mourut à Konya en Turquie, écrivait-il dans dans son chef-d’œuvre Le Masnavi :

J’ai souffert comme Oriental,
Aussi suis-je devenu Occidental

Quant au grand cheikh Muhieddîn Ibn ‘Arabî, qui vécut en Andalousie et voyagea dans le vieux monde avant de mourir finalement à Damas, il a écrit :

Mon cœur est devenu capable de toute image,
Prairie pour les gazelles,
Couvent pour les moines,
Temple pour les idoles,
Kaaba pour les pèlerins,
Tables de la Torah,
Et livre du Coran.

Personnellement, j’ai foi dans ce message humaniste, dans la richesse que les hommes tirent de leur diversité et des interactions qui en résultent plutôt que dans l’affrontement. Je n’oublie pas que les fondements spirituels de l’Occident sont venus d’Orient, et que pour notre part nous avons emprunté à l’Occident les éléments de progrès que nous connaissons à l’époque moderne. À la fin du xixe siècle, un cheikh éminent de l’université d’al-Azhar, novateur audacieux, se rendit en France – il s’agissait de l’imâm Muhammad Abduh. À son retour, il déclara qu’il avait découvert là-bas un islam sans musulmans, tandis que nous avions en Orient des musulmans sans islam.

De part et d’autre, l’extrémisme est présent, chaque religion produit ses fanatiques, et beaucoup des extrémistes dont le monde souffre aujourd’hui ont vu le jour dans des sociétés closes, qui ont basculé sous l’emprise d’écoles de pensée isolées dont la zone d’influence ne dépassait pas à l’origine un périmètre délimité du globe. Or, ces écoles ont soudain hérité d’une richesse démesurée, inattendue, conférant à certaines d’entre elles une puissance qu’elles n’auraient jamais imaginée. Conscients de leur force, ils ont alors tenté d’imposer leur doctrine isolée aux autres – je fais ici clairement référence aux tenants de la doctrine wahhabite, en Arabie Saoudite, dont j’affirme qu’ils sont plus dangereux pour l’islam et les musulmans que toute autre force, parce qu’ils rejettent tous ceux qui ne pensent pas comme eux même lorsqu’ils sont musulmans. Ce que l’islam a subi au cours des dernières années sous l’influence des plus extrémistes d’entre eux est terrible et effrayant, comme l’est la volonté de la censure planétaire de s’étendre aux programmes scolaires locaux et de supprimer des textes entiers pour se conformer à des injonction émanant de Washington ou des centres d’études stratégiques. L’Histoire nous apprend que toute censure est génératrice d’oppression, et que l’oppression engendre l’humiliation, qui à son tour produit la haine et la frustration. Cette censure moderne, mise en œuvre sous forme d’instructions clandestines ou officielles relayées par des régimes affaiblis, apeurés, dont les représentants craignent pour leur pouvoir et leur fortune, ne conduira qu’à plus d’humiliation et plus d’extrémisme. Or, force est de constater que les États-Unis ont été et demeurent, du fait de la collusion de leurs intérêts, le soutien principal de ces régimes.

De mon point de vue, la résistance à l’extrémisme ne peut incomber qu’aux membres des sociétés et des civilisations dans lesquelles cet extrémisme voit le jour, que ce soit en Orient ou en Occident, et non à une censure qui émanerait de l’étranger. Les expressions absolues comme «l’axe du mal» ou «la guerre contre le terrorisme» ne feront que creuser davantage les malentendus. Certains régimes exploitent ces slogans pour réaliser des objectifs qui vont bien au-delà de ce qui est contenu dans les messages eux-mêmes. Le danger réside dans le fait qu’en recourant à des slogans aussi absolus, on met le doigt dans des conflits impossibles à maîtriser, particulièrement si l’idéologie ainsi véhiculée est appliquée à certaines parties et non à d’autres, car tôt ou tard, la vérité finit par apparaître à ceux qui ne font pas l’objet d’un traitement particulier.

 

J’en viens à présent au second incident : peu après la lettre ouverte de l’ambassadeur des États-Unis publiée dans Al-Ahrâm, la presse a commencé à évoquer la diffusion prochaine d’un feuilleton télévisé intitulé « Chevalier sans monture », produit par une chaîne satellitaire privée. Certains journaux ont indiqué à ce propos que le scénariste s’était appuyé sur les fameux « Protocoles des Sages de Sion ». Avant d’entrer dans le détail de la controverse qui a suivi, je voudrais insister sur le fait que cet ouvrage jouit d’une très mauvaise réputation auprès des intellectuels égyptiens, et qu’aucun chercheur digne de ce nom ne lui accorde la moindre importance, à telle enseigne qu’un éminent historien spécialisé dans l’histoire du mouvement sioniste, le Dr Abdelwahhâb al-Messîri, a qualifié cet ouvrage de faux grossier, insistant sur ses origines plus que douteuses enracinées dans la Russie des tsars. Nous-mêmes, à Akhbâr al-Adab, nous avons plus d’une fois attiré l’attention sur l’inauthenticité de ce document, sur sa mauvaise réputation et sur la façon dont on en usait pour discréditer les tenants de la foi judaïque. À ce point, je voudrais m’arrêter pour clarifier une position que j’ai toujours adoptée et réaffirmer un principe que j’ai toujours défendu : je suis opposé à toute forme d’invective fondée sur des considérations de religion ou de race ; il y a là une abjection et une barbarie dont il est temps pour l’humanité de se débarrasser à jamais – telle est ma position claire et constante. Dans le cas qui nous occupe, l’opinion publique égyptienne a été soudain prise dans les filets d’une campagne médiatique et politique sans précédent visant ce feuilleton: des critiques se sont élevées de toutes parts, des centaines de manifestants se sont massés devant l’ambassade d’Égypte à Washington, certains d’entre eux munis de banderoles proclamant «Arrêtez le massacre». Or, le feuilleton n’ayant pas encore été diffusé à la télévision, il ne pouvait être connu de ceux qui le dénonçaient si violemment ! Ce fait n’a pas manqué d’en étonner beaucoup : comment une campagne aussi vigoureuse, aussi virulente, pouvait-elle réclamer l’interdiction d’une œuvre artistique avant même sa diffusion ? C’est alors que l’affaire a pris une tournure nouvelle : les Égyptiens se sont vus accusés en bloc d’antisémitisme – ce qui semblait d’autant plus saugrenu que nous sommes nous-même des sémites. D’ailleurs, je voudrais faire deux remarques : tout d’abord, l’accusation d’antisémitisme est souvent un message délivré à d’autres que ceux qu’elle prend nommément pour cibles ; d’autre part, cette accusation tend à s’élargir pour englober désormais toute critique adressée à la politique de droite israélienne. C’est ainsi que la nouvelle censure planétaire conçue et diffusée par les États-Unis se trouve consacrée et mise en œuvre.

Le plus ironique, c’est que lorsque nous avons enfin pu suivre le feuilleton incriminé – la diffusion a commencé au début du mois de Ramadan – nous n’avons pas décelé le moindre rapport avec l’ouvrage de triste réputation. Loin d’en être, comme on nous l’avait martelé à longueur d’articles, l’adaptation en images, le feuilleton est en fait centré sur le personnage d’un aventurier égyptien ayant vécu à la fin du xixe siècle et au début du xxe. Alors qu’on a pu le voir sur certaines chaînes égyptiennes, il n’a pas été diffusé dans la plupart des pays arabes, qui ont subi des pressions directes, tantôt affichées, tantôt occultes, pour qu’il ne soit pas projeté. De fait, dans sept pays arabes, la diffusion a été interrompue après avoir commencé, sous l’effet des pressions émanant généralement des États-Unis, au moment précis où ceux-ci mettaient en avant leur objectif déclaré d’installer les valeurs de la démocratie occidentale dans les pays arabes, gouvernés par des régimes réactionnaires et dictatoriaux.

Pour ma part, j’estime que l’interdiction des œuvres et le refoulement des réalités ne conduiront qu’à un surcroît de dictature et de répression. Aucune tentative d’imposer de l’extérieur des idées ou des modes de pensée ne parviendra à modifier la situation déplorable d’aujourd’hui : la censure et la répression demeurent la règle dans les pays arabes, mais existent aussi bien dans d’autres régions du monde, y compris aux États-Unis. La politique américaine actuelle particulièrement à l’égard du Moyen-Orient et du monde arabe, loin de conduire à plus de démocratie, aboutira à entériner une forme de censure planétaire. Il nous appartient à nous, intellectuels et créateurs, de dénoncer et de contrer cette nouvelle restriction de la liberté d’expression, de la même façon que nous avons résisté et continuons de résister à la censure locale, qu’elle soit visible ou cachée.

Je lance donc un appel à l’établissement de passerelles permettant une compréhension et une connaissance mutuelles, plutôt que l’aggravation des failles qui nous séparent, l’accentuation de la censure et l’élimination ou la radiation des idées. J’appelle à prendre garde à la généralisation du concept de « guerre contre le terrorisme » qui ne cesse de s’élargir, englobant désormais non pas ceux qui pratiquent le terrorisme, mais ceux qui professent des convictions religieuses ou des idées, ainsi que ceux qui luttent pour la libération de leur territoire et ceux qui résistent à une agression armée injuste. Pis encore, ce concept paraît maintenant s’étendre à la langue et à la culture, et ce n’est guère une folie de l’imagination que de penser qu’il englobera un jour les mots, les gestes, les allusions, les moindres signes. Ce jour-là, la planète entière deviendra un lieu inhospitalier pour tous ceux qui ne seront pas en harmonie ou en accord avec les vues des responsables de l’administration américaine qui, à travers ce qu’ils appellent leur «guerre contre le terrorisme», font régner la terreur dans tous les compartiments de notre vie.

Traduit de l'arabe par Khaled Osman