La Malédiction d'Azazel Roman de Youssef Ziedan, traduit de l'arabe (Egypte) par Khaled Osman |
Azazel: démon habitant dans le désert, [dont le nom] signifirait «Dieu a rendu fort». La Malédiction d’Azazel est un roman se situant dans la première moitié du Ve siècle. Le héros, Hiba, originaire de la Haute Egypte, est un moine copte monté à Alexandrie pour parfaire son savoir afin de devenir «le plus grand médecin de tous les temps» et un grand théologien. Alexandrie se révèle ne plus être ce qu’elle fut: le centre de la vie scientifique, philosophique, intellectuelle du monde, mais un lieu où règne l’intolérance religieuse plongeant la ville dans l’obscurantisme et la violence. Obligé de fuir, Hiba part pour Jérusalem où il rencontre le prêtre Nestorius, futur archevêque de Constantinople, dont la théologie est combattue par Cyrille son homologue d’Alexandrie avant d’être condamnée pour hérésie lors du concile d’Ephèse en 431. Hiba, finit par se retirer dans un couvent près d’Antioche où il peut exprimer ses talents de médecin et de poète. La Malédiction d’Azazel montre les doutes, les questionnements que se pose le héros sur la vie, sur sa vie, sur Dieu. Par bien des côtés, il fait penser à son homologue égyptien, Saint Antoine, quand il est tenté par la chair féminine (à laquelle il succombe) et par le démon. Car Hiba n’écrit ses mémoires, sa vérité que poussé par Azazel. Azazel dont il ne peut se départir car le démon n’existe que par rapport à Dieu. Le démon n’est qu’une partie de lui-même, habitant le désert de la solitude dans laquelle est plongé un homme qui doute, qui refuse de croire sans s’interroger sur ce auquel on l’oblige à croire. Si l’homme est bien le fils de Dieu, une partie de son être est en proie au démon. Vision manichéenne de la nature humaine divisée entre le bien et le mal, entre le spirituel et le temporel (dont les plaisirs éphémères de la vie), entre la volonté de salut et le risque de la damnation, entre la volonté divine et le libre arbitre. Dieu est présent au quotidien. Il y a un certain fatalisme dans cette théologie des premiers siècles du christianisme qui n’est pas sans faire penser à celui de certains musulmans de nos jours: peu importe ce que l’on fait, notre destin est tracé par une volonté supérieure. Ainsi, ce n’est pas le médecin qui soigne, mais la volonté divine que le patient soit guéri. Mais, soumis à "la tentation du siècle", l’homme peut essayer de construire son avenir, il en a toujours la possibilité, mais au risque d’aller contre la volonté divine et donc d’être damné à tout jamais. Et [Hiba] est perpétuellement tiraillé entre ce qu’il pense être son destin à cause des promesses et des vœux qu’il a faits et les tentations de vivre une vie d’homme, une vie d’amour, représentée successivement par la païenne Octavie et par la chanteuse Martha, une vie intellectuelle symbolisée par la célèbre [Hypatie], victime de l’intolérance religieuse de l’évêque Cyrille.[...] Si [Hiba] se comporte comme un homme libre, du moins suivant la définition que nous en avons de nos jours, c’est que c’est avant tout un homme curieux qui s’interroge sur les dogmes, les certitudes la société en pleine mutation dans laquelle il vit, sur le bien et le mal, sur Dieu. Il n’hésite pas à avoir une bibliothèque personnelle dans laquelle se trouvent les évangiles apocryphes et autres textes formellement condamnés et brûlés lors du concile de Nicée. Il faut mettre au compte de la traduction, par ailleurs excellente, la mention du "fiacre" d'[Hypatie] alors que ce véhicule n’apparait qu’au XVII siècle [...]. La malédiction d’Azazel est un livre contre l’intolérance religieuse, sur fond des massacres dont fut parsemée l’histoire d’Alexandrie au V siècle. Youssef Ziedan, directeur du département des manuscrits à la bibliothèque d’Alexandrie, sait sur quoi il écrit, l’ancien gouvernement des frères musulmans lui ayant intenté un procès pour insulte à la religion. Peu importe l’époque, peu importe la religion, l’intolérance est toujours synonyme de mort et d’asservissement de l’homme. Et dans ces époques troublées, "l’homme libre", l’homme qui souhaite diriger sa vie, faire valoir sa volonté et son libre arbitre, finit seul en proie à ses démons, avec l’Azazel qui vit en lui. |
La malédiction d'Azazel, traduit de l'égyptien et signé de l'humaniste Youssef Ziedan. Nous sommes au V° siècle à Alexandrie.
Le récit, qui se veut l'autobiographie de Hiba, moine médecin converti au christianisme, nous conduit à Jérusalem, Alep ou Antioche (Turquie actuelle). Il est sidéré par les controverses, violences et persécutions religieuses. Azazel (Satan dans la Bible) semble être maître du Moyen-Orient. Et puis Hiba tombe amoureux d'une belle païenne, Octavie. Eternel et actuel. A ne pas manquer. Marcel CORDIER L'ECHO DES VOSGES, février 2014
|
Paru en Egypte au printemps 2008, ce roman y a rencontré un succès critique et populaire (remportant notamment le Booker Prize arabe 2008). Il s'est aussi attiré les foudres de l'Eglise copte, qui y a vu une atteinte à la religion chrétienne. A travers son héros, Hiba, un moine égyptien du V° siècle, Ziedan souligne en effet les querelles qui ont déchiré le christianisme des premiers siècles et les conflits interreligieux qui secouaient l'Empire romain. Il explore en particulier le débat qui agitait les premiers chrétiens sur la nature, divine ou humaine, du Christ. Cette question fondamentale divise musulmans et chrétiens, et les religieux coptes ont accusé l'auteur de vouloir attiser les tensions communautaires. Le musulman Ziedan, auteur de nombreuses études sur le soufisem et l'âge d'or des Arabes, ne voit là qu' "une traduction aussi fidèle que possible de manuscrits du V° siècle, retrouvés il y a une dizaine d'années au nord de la Syrie, dans lesquels le moine égyptien Hiba raconte son histoire étonnante dans une période trouble." BOOKS, juin 2009 (à propos de l'édition originale arabe du roman)
|
C’est une curiosité que ce roman-là, signé Youssef Ziedan, responsable des manuscrits à la Bibliothèque d’Alexandrie. Gros succès dans les pays arabes, il se présente comme la transcription d’un manuscrit écrit par un moine égyptien du Ve siècle converti au christianisme, puis trouvé par un chercheur dans les ruines d’Alep. Entre fanatisme religieux, recherche spirituelle et sensualité orientale, cette vaste fresque fait souffler un vent érudit et romanesque sur les premiers temps de la chrétienté. |